FAHRENHEIT
DIOR
JEAN-LOUIS SIEUZAC – MICHEL ALMAIRAC
1988
A la fin des années 80, alors que la société embrasse une tendance matérialiste évidente, la Maison Dior, dotée d’une solide intuition et jamais avare d’innovations, fait pour le pari inverse, celui de l’être, en lançant Fahrenheit. Ce floral boisé et musqué, tout à fait masculin, s’installera dans la durée parmi les cinquante meilleures ventes mondiales.
Le choix de l’être, mais riche d’un imaginaire onirique et surréaliste, plus brillant que le soleil, évoqué par l’œuvre de l’artiste américain James Rosenquist, Brighter than the sun, qui inspira avec une autre de ses toiles emblématiques, Fahrenheit 1982°, les parfumeurs Jean-Louis Sieuzac et Michel Almairac, et le directeur des Parfums Dior, Maurice Roger. Les objets ordinaires de cette dernière œuvre, de phalliques rouges à lèvres, projetés en dehors de la nature par le traitement pop du peintre, mettront les deux parfumeurs sur la piste d’un accord de feuille de violette, comme une bombe végétale à l’énergique présence, portée par la forte concentration de la version de synthèse de la violette, le carbonate de méthyle octine. Une note de cœur violette donc, fleurie d’œillet et adoucie dans le contraste du musc blanc et du vétiver en conversation avec un patchouli poudré, fouetté de notes de cuir.
«Un parfum n’est pas un produit figé, disait Maurice Roger, il est le reflet de la culture vivante, il doit être le reflet de son époque.» Le reflet de Fahrenheit fut incarné dans un premier film par un personnage masculin imaginaire, confronté au bout d’un ponton à un horizon d’un rouge proche de la fusion, avant de se réincarner, sous la direction du réalisateur David Lynch, dans un étrange ascenseur ouvrant ses portes sur le même final flamboyant. Une belle unité de mesure de sensualité.