Comment faire du parfum une expérience vivante ? C’est par cette question que Thibaud Crivelli ouvre la conférence Entreprenez qu’il donne chez Cinquième Sens le 21 Novembre 2019. C’est aussi le point de départ de toute la réflexion qu’il a menée avant le lancement de la Maison Crivelli. « J’ai voulu rentrer d’emblée par la grande porte », confie le fondateur, qui installé un corner permanent dans la parfumerie du Bon Marché Rive Gauche 6 mois seulement après le lancement de sa marque.
L’expérience personnelle du parfum : un principe universel
Thibaud Crivelli s’est appuyé sur son savoir-faire en matière de parfum, ses convictions et sa propre définition d’un luxe sensible. Sa marque fait passer au premier plan l’expérience personnelle du client. Celui-ci doit découvrir le parfum par-lui-même et non être guidé par un discours de marque. Cette approche fonctionne partout dans le monde à en juger par le développement de la marque à l’international (elle se donne l’objectif d’être présente dans 15 pays d’ici 1 an). La Maison Crivelli reste alignée sur ses principes stratégiques.
– Créer la surprise avec de beaux contrastes qui donnent du caractère à chaque fragrance. « Rester authentique et ne pas chercher à cibler le parfum pour un marché comme la Russie ou le Moyen-Orient » précise le fondateur.
– Offrir le temps d’une découverte intime, initier au slow perfume. « Le besoin de ralentir se fait ressentir dans beaucoup de villes du monde, dont certaines sont totalement chaotiques » ajoute celui qui a travaillé 10 ans en Asie, avec un passage à Hong Kong.
– Faire découvrir le parfum sous de nouveaux angles, à l’image d’une macro-photo qui vous présente une matière sous un nouveau jour. Ce sont précisément des macro-motifs qui apparaissent lorsque l’on pschitte le parfum sur les mouillettes de la Maison.
« Le parfum est une maison où chacun peut pénétrer par une porte différente. »
« Il faut garder à l’esprit que le parfum est vivant et que sa perception évolue en permanence, selon les lieux et les situations » expose Thibaud Crivelli. Par exemple avec la sensation du vent sur la peau, ou lors d’une balade à moto dans les plantations de café. Globe-trotter, Thibaud Crivelli, se réfère à des moments personnels où tous les sens sont en éveil. Ces expériences esthétiques sont la source d’inspiration des fragrances. Le narrateur ne mentionne jamais les lieux avec précision car chacun doit pouvoir s’y projeter.
Le parfumeur créateur reçoit en guise de brief ces sensations glanées à travers le monde. Ainsi, un café dégusté sur un volcan en éruption est le point de départ de Santal Volcanique par Richard Ibanez. Une incursion dans un jardin de jasmins et de fleurs d’oranger en dégustant une glace safranée est à l’origine de Fleur Diamantine (Bertrand Duchaufour). Ces brefs récits de voyage sont aussi les points d’entrée pour chaque client. Une application disponible en ligne et dans les corners permet d’accéder à ce patchwork de sensations universelles – mots, images et sons – qui trouve un écho en chacun.
Créer la surprise et conserver sa cohérence
Lorsque l’auditoire questionne l’entrepreneur sur les facteurs-clés de succès, Thibaud Crivelli met l’accent sur ce point : envisager le message dans sa globalité en recherchant la cohérence sur toute la ligne. Ainsi l’identité visuelle de la Maison Crivelli repose sur le contraste du blanc et de la terre de Sienne. « J’ai préféré épurer, créer des contrastes de textures, plus que des contrastes chromatiques » précise-t-il. Les typographies sont utilisées de façon récurrente avec une lettre italique qui chahute les caractères droits. La notion de surprise est déclinée dans l’écriture olfactive, dans cette rupture typographique comme dans les motifs de la touche parfum.
L’entrepreneur ajoute qu’il faut être conscient de ses forces et faiblesses, savoir s’entourer, s’adapter aux multiples interlocuteurs du projet, jongler entre les différentes dimensions réglementaires, financières… Thibaud Crivelli souhaite garder la main sur la direction artistique car tous ses parfums sont nés de coups de cœur. Il faut aussi savoir garder son âme.
Axelle de Larminat