Nez à nez avec Dominique Ropion

Parfumeur oh combien prolifique, Dominique Ropion se lance dans une aventure plus intime. Sa propre marque de parfums, Aphorismes by Dominique Ropion. Et une boutique écrin parisienne.

Par Marie Bénédicte Gauthier

Blockbusters ou Maisons de Parfums de Niche, vous êtes de tous les briefs. Qu’est-ce qui vous pousse aujourd’hui à lancer votre label ?

Je suis perpétuellement le nez dans la formule. J’ai ce goût de l’effort, du juste équilibre de la formule. Dans un sens, je suis perpétuellement dans un mouvement de pensées olfactives, une course. Où peut-elle bien mener ? Je ne sais pas. Je dirais qu’écrire de nouvelles histoires, de nouvelles formes, que ce soit pour un marché sélectif, mainstream, niche ou ma propre marque résulte d’une même obsession. 

Mais vous devez bien ressentir quelque chose de particulier ?

Oui. Je dirai une forme de plaisir, qui devient de plus en plus tangible, concret. Avant j’étais dans la réalisation, je n’y pensais pas vraiment. Mais la semaine dernière, ma plus jeune fille, Raphaëlle m’a fait part de sa fierté ! Transmettre à mes enfants est une forme de conversation. Quoi de plus galvanisant ? 

Et puis j’écris des histoires parfumées pour les autres, ceux qui veulent bien les porter. « C’est le regardeur qui fait l’œuvre » disait Marcel Duchamp. Si je peux participer à de nouvelles émotions, c’est déjà pas mal !

Quelle est la genèse de la marque ?

Une rencontre qui date de quelques années. Par l’intermédiaire de Jean Louis Sieuzac j’ai fait la connaissance de Habib Al-Soweidi. Il s’occupait de Al Jazeera Parfums et avait rendez-vous chez IFF. Nous avons évoqué l’imaginaire du Moyen-Orient – on connait mon goût pour ces parfums d’opulence – puis nous sommes revus. J’ai alors élaboré quelques jus pour la marque Qatari. Puis Habib est revenu avec le projet Reine de Saba, une collection rendant hommage à cette figure mythique et aux fumés de la Péninsule Arabique. C’est au même moment qu’a germé avec lui, l’idée d’une collection en mon nom. Je n’étais pas contre … 

Le processus de création a été long ?

Non plutôt court, pas plus de deux ans, dans un processus de liberté, mais non sans cadre. Mon métier de parfumeur exige toujours la même rigueur, je me projette dans un travail laborieux pour arriver à une harmonie finale, une forme. L’intuition ne suffit pas ! Pour cette collection, j’avais en tête de rebattre les cartes de certaines familles olfactives. Ainsi, parmi ces 6 parfums, certains s’inscrivent dans les grands classiques : ambré, floraux, hespéridés etc. Mais je me suis attaché à leur trouver une identité particulière, très moderne. 

Qu’est-ce qui fait la particularité de ces 6 fragrances ? 

Une inédite construction. Pour Innocent Tubéreuse, il fallait trouver une nouvelle coloration à la fleur fatale, totalement différente de celle que j’avais fait pour Carnal Flower des Éditions Frédéric Malle par exemple. Je me suis aussi amusé à déconstruire l’idée du jardin parfait avec Crazy Garden, imaginé une mandarine ambrée avec Clémentine Paradise. Pour Oud à l’amour, c’est un oud sans une once de Oud et pour Rose is a Rose une rose flanquée d’une essence de Oud jetée à profusion dans la formule ! Je bénéficie je dois dire de matières premières d’exception, les naturels de LMR dont j’ai pu disposer à volonté. Enfin, les seuls tests consommateurs ont été réalisés sur mes proches, ceux d’Habib et des gens de IFF. Je travaille déjà sur d’autres approches, avec de nouvelles matières premières IFF à disposition de ma palette pour agrandir, progressivement la collection.

Parlez-nous du flacon

Sabine Muret, Directrice Artistique et proche de la famille de Serge Mansau a proposé divers croquis inspirés du travail du grand designer. J’ai choisi celui-là car j’aime cette idée de totem, de socle monolithe surmonté d’un cercle dont semblent s’échapper quelques brèches. Ça m’évoque des sculptures comme la sphère d’Arnoldo Pomodoro que l’on peut voir au Guggenheim Museum et qui m’a toujours fasciné.  

Et la Boutique ?

C’est un lieu très intimiste, un peu Lynchien, avec une lumière or très douce. J’aime bien cette idée que seuls quelques clients peuvent y pénétrer à la fois. Une amie m’a dit qu’avant, la rue Marbeuf était l’épicentre d’un grand jardin botanique parfumé. Cette idée me plait !

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