Par Nicolas Olczyk
Souvent perçu comme un ingrédient sombre et mystérieux, l’encens est réinventé par les marques de parfums avec modernité et même fraîcheur.
Un encens confortable sous le signe de la fraîcheur ? C’est l’idée qu’a eue le parfumeur Francis Kurkdjian pour le nouveau parfum New Look de Dior. Autour d’un thème olfactif très classique, explique-t-il, le parfum fait « monter l’encens avec des aldéhydes en overdose ». Une pétillance inattendue qui contraste avec un sillage ambré doux.
L’encens n’est pas toujours opulent et fumé expliquait Serge Lutens pour le lancement il y a quelques années de L’Eau froide, « un parfum glacial » autour de l’encens. « On ne retient de lui que le pyrogène des encensoirs enfumés et en rien, à part celle offerte par l’église, la fraîcheur » dit-il avec humour.
Il est vrai que l’encens est souvent associé aux rituels religieux et à la fumigation, renforçant auprès des consommateurs cette idée de senteur puissante et clivante. Mais de nouvelles marques ont su le moderniser en le mettant en avant sous un angle original au-delà de l’image de la fumée ou du caractère cérémonial qu’on lui associe.
C’est le cas d’Olibanum, qui a souhaité offrir « des parfums contemporains structurés autour de la résine d’oliban* et d’un (autre) ingrédient », qui dans la formule prend le dessus sur l’encens. Il s’habille par exemple d’une trame musquée dans Ambrette, leur best-seller, ou de notes florales douces dans Néroli, nouveauté de 2024. Chacun des 19 parfums peut être combiné, renforçant l’idée de modernité et d’appropriation par le consommateur.
Pour sa marque Spiritum, le créateur Jonathan Dufour dévoile trois nouveaux parfums où l’encens est associé à des notes plus modernes ou lumineuses comme le muguet, le freesia, ou la poire dans l’eau de parfum Psychic Vibes.
Dans Berbera, dernier parfum de Nissaba, les parfumeurs de dsm-firmenich Coralie Spicher et Fabrice Pellegrin ont utilisé un extrait superfluide d’encens qui apporte une fraîcheur vibrante renforcée par l’élémi, une résine aux accents citronnés. En cœur, une distillation moléculaire d’encens est associée à des extraits d’iris pour un effet plus poudré.
Dans leur palette, les parfumeurs disposent de nombreux extraits d’encens explique Céline Perdriel, créatrice d’Encens Roi pour Histoires de Parfums. « L’extrait C02 d’encens est fusant, pétillant, apportant de la fraîcheur en tête ; à l’inverse le résinoïde est plus minéral, sec, réchauffant le parfum en fond ». D’autres ingrédients peuvent renforcer les facettes vibrantes de l’encens, comme la baie rose et l’aldéhyde C12 MNA en tête ou les bois ambrés en fond qui modernisent et sensualisent l’encens. Dans Encens Roi, la créatrice a apporté une touche de douceur avec le « Cacao blanc Craftivity » de Cosmo Fragrances.
Combiner l’encens à une touche gourmande ? On retrouve cette idée dans Encens suave de Matière Première. Le caractère gustatif de la vanille et du café permet de réinventer cette note parfois perçue comme austère et intimidante. Avec Encens hypnotique, la marque de parfums accessibles Adopt montre, elle, que cet ingrédient peut être démocratisé et pas réservé aux seules marques de niche.
Dans Encens Lumière de Kenzo, la parfumeure de Takasago Karine Dubreuil Sereni en propose une interprétation radieuse, contrastée par des notes douces et pétalées de freesia. « J’ai essayé de retranscrire telles que je les imaginais, les sensations olfactives que l’on pourrait vivre dans une maison de thé japonaise… ».
De leur côté les parfums Amouage proposent une initiative originale autour de l’encens : un partenariat avec l’état d’Oman pour un projet culturel et touristique autour de cette matière première. Les touristes pourront ainsi découvrir le wadi, un encens spécifique à Oman avec des facettes fraîches de pamplemousse et de poivre.
Rafraîchi, plus attrayant, délesté de son image sombre ou mystérieuse, l’encens n’a pas fini d’inspirer les parfumeurs.
(*) oliban ou olibanum est l’autre nom de la résine d’encens