Par Lionel Paillès
Amoureuse de la première heure de la plante à parfum et de ceux qui la font pousser, cette Grassoise d’adoption vend depuis une vingtaine d’années ses extraits naturels sur mesure aux maisons de parfum les plus exigeantes.
Elle n’a pas attendu que le naturel soit soudain à la mode pour lui déclarer son amour inconditionnel. Quand elle parle de son métier, elle ne théorise jamais, elle est toujours dans le concret, racontant l’attachement des hommes à leur terre et les produits d’exception qu’ils font naître de leurs mains qu’elle s’efforce de traiter avec le plus grand soin.
C’est en 2002 que Frédérique Rémy a co-fondé la société Floral Concept avec son mari Jean-Pierre Mignatelli. Elle y travaille aux côtés de son fils Julien, du fils de son mari ainsi qu’un de ses neveux. Frédérique, elle, se charge plus particulièrement de l’activité commerciale et du sourcing. Une véritable histoire de famille. La société est installée depuis sa création à Saint-Cézaire-sur-Siagne (Alpes-Maritimes), un petit village paisible perché sur les hauteurs de Grasse, c’est-à-dire au cœur d’un écosystème qui va de l’agriculteur au parfumeur.
Le respect des petits producteurs
A la base de tout, il y a un respect immodéré pour les petits producteurs de plantes à parfum. « Nous connaissons chacun d’entre eux personnellement et nous envoyons les commerciaux régulièrement visiter les filières », explique Frédérique. C’est bien pour se consacrer exclusivement à cette relation qui doit tout à la confiance que Floral Concept a préféré ne pas s’occuper de composition de parfum à la différence de certains de ses concurrents. Frédérique Rémy précise : « Nous ne vendons pas simplement un ingrédient mais l’assurance que nous travaillons avec des producteurs respectueux de l’environnement et qui se rémunèrent correctement. Nous prenons cet engagement depuis que nous avons créé la société et nous nous y tenons coûte que coûte ».
La renaissance du bois de rose
On trouve au catalogue de la société quelques grands ingrédients incontournables de la parfumerie : huile essentielle de vétiver Haïti, absolu sauge sclarée “pays” et patchouli cœur pour ne citer qu’eux. Mais c’est sur les extraits floraux et les matières premières au sourcing délicat que Floral Concept a préféré se positionner. Une niche dans la niche en somme. C’est le cas notamment du fameux bois de rose qui avait disparu des compositions et que Frédérique Rémy a sorti de son purgatoire en trouvant une nouvelle filière péruvienne plus éthique. Christine Nagel ne s’y est pas trompée, qui l’a fait entrer dans la formule de H24 eau de toilette. « Cette essence de bois de rose fait vivre des familles tout en protégeant le forêt et en préservant la biodiversité », affirme Frédérique Rémy.
Chaque arbre ne peut être coupé qu’à partir d’un certain âge, et pour chaque spécimen, au moins deux autres doivent être replantés. Avec sa petite vingtaine de salariés, la PME a aujourd’hui trouvé sa taille idéale et n’entend pas trop grandir. « Faire du naturel doit absolument rester un artisanat », précise Frédérique Rémy. L’ambition de Floral Concept est moins de fabriquer des extraits en grande quantité que de promouvoir le beau à tout prix. C’est en s’appuyant sur les technologies les plus innovantes, qu’elle tire le meilleur de chaque végétal. L’extrait de carotte CO2 révèle des notes fruitées délicieuses et l’osmanthus cœur permet grâce à la distillation moléculaire de retrouver l’odeur fruitée de la fleur sur l’arbre sans cette inflexion cuirée qu’on lui connaît habituellement. Floral Concept fait la promotion de cet ingrédient “supernaturel”, fusion entre héritage et innovation. Aujourd’hui, ce sont plus de 70 produits qui sont inscrits au catalogue de la petite société avec parfois jusqu’à trois ou quatre origines différentes pour un seul et même végétal. De quoi faire briller les yeux du parfumeur en quête de nouvelles histoires à raconter.
Floral Concept Osmanthus
Le positionnement “haute couture” de Floral Concept est payant. Les chiffres sont éloquents : le chiffre d’affaires de la société grassoise a augmenté de 10% l’an passé. La réussite de l’entreprise tient aussi dans ce dialogue direct avec le créateur du parfum, le mieux placé pour juger du rôle déterminant d’un ingrédient naturel haut de gamme dans une composition. « De temps en temps nous faisons des essais à la demande d’un parfumeur qui a une idée précise en tête. Nous réussissons ainsi à sortir un nouveau produit comme l’essence de poivre Timut que nous avons développé à la demande de Jean-Claude Ellena pour son parfum Rose & Cuir et qui était jusque-là connu des seuls cuisiniers », explique-t-elle. Frédérique ne cache pas sa fierté de constater que ses extraits précieux permettent au parfumeur d’exprimer toute sa créativité comme Marc-Antoine Corticchiato, parfumeur-créateur de Parfum d’Empire a su le faire avec l’absolu graine d’ambrette présente en majesté dans son parfum le Cri de la lumière. Frédérique Rémy croit au miracle de la nature, entraînant dans son sillage de plus en plus de parfumeurs et de marques.