En 1992 le couturier Thierry Mugler lançait un parfum qui allait révolutionner la planète parfum. Première fragrance gourmande, flacon en forme d’étoile, jus bleu inédit : Angel était né. Pourtant le succès était loin d’être au rendez-vous. Flashback sur cette icône de la parfumerie qui souffle cette année ses 30 bougies !
Qu’est-ce qui fait qu’un parfum devient culte ? Une fragrance addictive, un beau flacon, une histoire incroyable ? On aurait adoré poser la question à Manfred Thierry Mugler mais le créateur est décédé en début d’année. Il a rejoint les étoiles alors que lui était consacrée l’exposition Mugler Couturissime. Un grand succès comme beaucoup de projets que le créateur imagina. Pourtant en 1992, peu de gens croyaient à la réussite de son parfum Angel. Une couleur jamais vue pour un parfum féminin, une fragrance perçue comme trop sucrée, un flacon qui ne tient pas debout. Ça ne marchera jamais, lui dit-on. On connaît la suite de l’histoire.
A l’origine d’Angel, il y eut aussi Vera Strübi, femme au talent et au flair incroyables. C’est sa collaboration avec Thierry Mugler et la famille Courtin-Clarins* qui rendit l’aventure Angel possible. Ils ambitionnaient de faire d’Angel un classique, sans cible d’âge, un jus qu’on adorerait ou qu’on détesterait. Et sans test consommateurs comme c’est le cas de tous les grands lancements aujourd’hui. Une audace !
Une divine gourmandise
Pour mettre en odeur les idées de Monsieur Mugler, Vera Strübi fait appel au parfumeur Olivier Cresp, de Quest (aujourd’hui Givaudan)**. Aidés d’Yves de Chiris, ils trouveront la bonne formule après un peu plus de 600 essais. Le couturier voulait un parfum si délicieux qu’on pourrait le manger. Parmi ses sources d’inspirations : son enfance et les odeurs de fêtes foraines, de barbe à papa, de chocolat… Mais c’est le patchouli et sa senteur boisée sombre qui vient apporter la clé de voûte au parfum. Présent à près de 30 % dans la formule, il vient contraster les notes gourmandes, apportant un sillage et une tenue incroyable. Autre ingrédient clé d’Angel, l’éthyl maltol, molécule aux tonalités de praline et de caramel, qui agit comme un exhausteur des notes gourmandes. Depuis Angel, une vague gourmande a déferlé sur la parfumerie et pas uniquement dans les créations féminines.
Une couleur atypique, une forme iconique
Alors que la plupart des classiques de la parfumerie optaient pour des teintes classiques, jaunes ou ambrées à l’instar de Chanel N°5 ou Shalimar, le bleu était une évidence pour M. Mugler. C’est la teinte des rêves, du ciel, parfaite pour habiter ce superbe objet en forme d’étoile qu’il avait imaginé. Mais pourquoi l’étoile -une forme qui inspira tant le créateur et qu’il avait fait tatouer sur sa peau ? « J’ai suivi des yeux des étoiles filantes durant toute la nuit. J’ai senti une présence lointaine, mais très réelle, quelque chose de beau, de bon et magique » raconte le créateur expliquant « l’origine de cette fascination [née] des nuits d’évasion passées à la belle étoile lorsqu’il était enfant ».
Fontaine à parfum Mugler avec Angel au centre
Lancement en 2020 d’une nouvelle version de l’étoile tenant debout mais avec la même silhouette.
Un flacon irréalisable
Voilà ce que répondront les verriers à la marque. Répartition du verre dans les branches, problème de gravité, épaisseur du verre… tous les verriers estimaient que le flacon dessiné par Monsieur Mugler et le designer Jean-Jaques Urcun était impossible à produire. Une seule verrerie, Brosse, s’est dite prête à essayer. Après deux ans de développement pour mettre au point une machine spéciale, le flacon prenait forme. Mais quelques semaines avant le lancement du parfum, les premiers flacons produits n’étaient pas conformes. « Quelques pièces seulement sortaient des moules par jour ! Le lancement allait être compromis ». Après vérification des équipes du verrier, c’est un simple petit courant d’air qui provenait du changement de place de la machine qui a retardé la production. Le luxe est parfois une histoire de petits détails !
Un créateur précurseur d’un luxe durable
Avec un tel flacon, aussi beau que complexe à fabriquer, l’équipe Mugler imagina un objet de désir qu’on ne jetterait plus. Un flacon rechargeable, ou plutôt « ressourçable ». Remplissable chez soi ou avec la fontaine Angel en magasin, le flacon d’Angel inspira par la suite les autres flacons du créateur. Une idée avant-gardiste pour l’époque et qui séduit de plus en plus de marques depuis quelque temps.
Estelle Lefébure, première égérie d’Angel en 1992Manfred Thierry Mugler avec Sandrine Groslier, présidente des parfums Mugler pour l’inauguration de l’exposition Mugler Couturissime
L’Angel’s Tour
Si Thierry Mugler était déjà un couturier réputé, les parfumeries le soutiennent peu pour le lancement d’Angel. Qu’à cela ne tienne, les équipes Mugler partent à la rencontre des consommatrices dans des camions bleu ciel siglés Angel’s Tour’. A travers toute la France, ils présentent l’univers du créateur et ce parfum au sillage inédit. Grâce à une bonne dose de bouche à oreille et à un marketing innovant, le succès est au rendez-vous. Vera Strübi et ses équipes ont inventé pour l’occasion un moyen inédit de fidéliser les consommatrices : le Cercle Mugler, qui existe toujours aussi.
Photos de l’Angel’s Tour à l’extérieur et à l’intérieur
Ah, Angel ! Nous aurions pu vous parler des publicités magnifiques, mettant en scène Jerry Hall en 1995, sa fille Georgia May Jagger, 19 ans plus tard. Des superbes flacons collectors. De son alter ego masculin, A*Men…
Avec autant d’histoires à raconter, Angel méritait assurément le Prix des 30 ans de la Fragrance Foundation France ! Joyeux anniversaire Angel ?
Plus d’infos sur Angel : https://www.mugler.fr/
(*) Mugler fait depuis 2020 partie du groupe L’Oréal
(**) Olivier Cresp est désormais parfumeur chez Firmenich