Si le métier de parfumeur est de plus en plus féminin, cela n’a pas toujours été le cas. Aujourd’hui, les femmes parfumeurs sont nombreuses, parfois largement connues du grand public, comme Christine Nagel chez Hermès ou Mathilde Laurent chez Cartier. Parmi celles qui nous ont quittés, certaines ont laissé leur empreinte, d’autres hélas sont tombées dans l’oubli. Le 8 mars, nous célébrons la Journée internationale des droits des femmes. À cette occasion, La Fragrance Foundation France rend hommage à celles qui ont été pionnières dans l’art de la création de parfums et dont l’héritage nous inspire encore.
On pourrait aisément qualifier Germaine Cellier (1909 -1976) d’avant-gardiste. Pour Vent Vert de Balmain, elle osa une formule avec 8 % de galbanum. Un choc olfactif qui fut en quelque sorte sa signature, elle qui créa aussi pour Robert Piguet Fracas, un superbe accord tubéreuse-fleur d’oranger et Bandit, un chypré cuir puissant relevé d’isobutyl quinoléine. Parmi ses créations également, La Fuite des Heures, de Balenciaga, trésor que l’on peut encore sentir à l’Osmothèque.
Parmi les précurseures, citons aussi Joséphine Catapano (1918-2012), qui a fait sa carrière chez IFF à New York. On lui doit le légendaire Youth Dew, premier parfum d’Estée Lauder en 1953, mais aussi Fidji, un bel accord floral vert épicé imaginé pour le couturier Guy Laroche en 1966. Joséphine Catapano, surnommée Jo, fut d’ailleurs la première à repérer Sophia Grojsman, célèbre nez, créatrice notamment de Trésor pour Lancôme et de Paris pour Yves Saint Laurent.
Mais connaissez-vous Madame Zed ? De cette parfumeure, on sait aujourd’hui peu de choses. Elle est l’auteure d’un des premiers parfums de Lanvin, My Sin, un floral aldéhydé de 1924 initialement nommé Mon Péché, qui, dit-on, préfigure Arpège lancé trois ans plus tard. Mais Madame Zed exista-t-elle vraiment ? Certains en doutent, mais on trouve des correspondances signés Maria Zède… Cette créatrice d’origine russe travailla aussi pour la maison Gabilla. Presque 100 ans plus tard, Madame Zed reste un personnage énigmatique.
Qui se souvient également de Betty Busse, parfumeure à l’origine des célèbres fragrances Chloé en 1974 et Fleur de Fleurs de Nina Ricci en 1982 ? Il est difficile aujourd’hui d’en savoir plus sur celle qui fut vraisemblablement aussi créatrice ou cocréatrice d’Estée, bouquet floral aldéhydé d’Estée Lauder en 1968.
Il n’est pas propre au secteur du parfum d’avoir délaissé ou oublié ses créatrices ; le phénomène toucha aussi en effet la littérature et la peinture. Dans des métiers originellement masculins, les femmes ont été facilement mises de côté.
Portrait de Marie-Thérèse de Laire
par Catherine Wentworth
(© Bibliothèques patrimoniales de Paris)Monique Schlienger en 2016
(© Fragrance Foundation France)Félicie Wanpouille (DR)
Quand on évoque les Fabriques de Laire, on se souvient de Georges et d’Edgar, mais il ne faudrait pas oublier Marie-Thérèse de Laire (1872-1954), la femme d’Edgar. Parfumeure ou technicienne ? Elle eut l’ingénieuse idée d’assembler les premières molécules de synthèse avec des matières premières naturelles pour en faire des « pré-parfums » dès 1891. Les bases étaient nées, source lointaine de la parfumerie moderne. À cette époque, les bases étaient souvent la clé de voûte des parfums lancés par les marques, et sans la Mousse de Saxe imaginée par Marie-Thérèse de Laire, certains parfums mythiques n’auraient pas existé.
Disparue en 2016, Monique Schlienger fut une grande créatrice de parfums elle aussi ; on lui doit notamment le Vétiver d’Annick Goutal. Elle est surtout connue pour avoir créé Cinquième Sens en 1976 et avoir formé nombre de personnes à l’univers du parfum.
Au-delà de la création de parfums, d’autres femmes ont marqué leur époque comme Félicie Wanpouille (1874-1967). Sa rencontre avec le parfumeur Ernest Daltroff a été déterminante pour les parfums Caron. Audacieuse, intuitive, femme d’affaire, elle fit assurément du marketing avant l’heure.
Merci à l’Osmothèque et à Olivier David pour leurs informations et pardon aux autres pionnières que nous n’avons pas citées…
Interview de Sophia Grojsman, où elle évoque ceux et celles qui l’ont inspirée (en anglais) :