Inspiré par l’élégance française du XVIIIème siècle, Julien Sprecher a lancé en 2009 Parfums de Marly. Une marque qui glorifie cet âge d’or de la parfumerie mais également résolument contemporaine, et pour laquelle la synthèse a tout autant sa place que le naturel.
Quelle a été votre première rencontre avec le parfum ?
J’ai eu la chance de grandir dans une famille de professionnels du parfum. Mon père a sillonné le monde et travaillé pour les plus grandes marques de parfumerie française. Attiré très tôt par les odeurs, j’ai vite compris que c’était un métier fait pour moi. Petit, je savais déjà reconnaître les parfums et très vite, les ingrédients. Une de mes plantes fétiches est la fleur d’oranger et son bouquet rassurant qui renvoie aux parfums de l’enfance, aux gâteaux. J’aime travailler cette fleur qui, chose rare, sait composer avec tous les ingrédients. Elle permet de créer des fragrances modernes et raffinées, à l’image de Safanad, l’un de nos féminins.
Comment sont nés les Parfums de Marly ?
J’ai démarré ma carrière il y a vingt ans alors que la parfumerie de niche faisait ses premiers pas, en réaction à une standardisation olfactive de la parfumerie traditionnelle. J’ai souhaité participer à ce mouvement, convaincu que j’avais quelque chose de particulier, de très personnel à apporter. Le règne de la parfumerie commerciale a duré très longtemps, avec une stratégie bien rodée : un jus, certes souvent fruit du travail d’un grand parfumeur, mais le plus souvent issu des tests consommateurs, et des ingrédients dont le coût et la concentration ne permettent pas selon moi de produire la tenue et la projection qui font un grand parfum. Sans oublier une égérie « bankable » et une mise en scène à coup de millions d’euros avant mise sur le marché. Tout cela ne m’a jamais beaucoup plu. Le parfum est avant tout un art, un travail de fourmi, de passion, de « niche » par définition.
Pourquoi avoir choisi ce nom ? Et d’où viennent les noms de vos parfums ?
J’ai choisi le nom Parfums de Marly car j’avais pour souhait de fait revivre l’âge d’or de la parfumerie française. Je voulais ressusciter avec des codes contemporains l’élégance feutrée de la « cour parfumée » de Louis XV. En ce qui concerne les noms de nos parfums, j’ai voulu rendre hommage aux célèbres pur-sang de Louis XV et je signe chacune de nos créations avec le nom de l’un d’entre eux.
Comment se répartissent vos ventes géographiquement ?
La marque est distribuée dans 70 pays au travers d’un réseau exclusif qui compte 3 flagships (nos boutiques de Paris, NYC et Dubaï). Nous sommes également présents au sein des magasins Tsum à Moscou, Selfridges et Harrods à Londres. La marque vit un développement particulièrement florissant aux Etats-Unis au sein des magasins Nordstrom et Bloomingdale’s.
Existe-t-il un best-seller international ou les différences sont-elles fortes selon les régions ?
Nous sommes historiquement célèbres pour nos parfums masculins. C’est là que nous avons commencé et connu un énorme succès avec des produits comme Pegasus et Layton. Nous avons ensuite créé le parfum féminin Delina, avec la rose turque au cœur de ses notes, qui a connu un grand succès et qui est aujourd’hui notre best-seller. Aujourd’hui, nous avons vingt parfums masculins et dix parfums féminins. J’aime explorer les deux univers, ce qui permet une plus grande flexibilité dans la création.
Dans la vie de tous les jours, quelles odeurs vous font-elles vibrer ?
J’aime imaginer des formules courtes et percutantes où l’on peut lire, comme des citations, mes ingrédients préférés : la vanille, la fleur d’oranger, l’héliotrope, le bois de santal et les notes ambrées. Une rose fraîche au moment si éphémère de son éclosion, mi-florale, mi-verte… Cet ingrédient magique est au cœur de Delina. J’aime également le parfum après l’orage des routes de la campagne lombarde. J’ai passé tous mes étés dans le nord de l’Italie, jusqu’à mes vingt ans. Cette odeur terreuse, verte et florale, mélangée à celle du bitume chauffé par le soleil, me transporte automatiquement à cette époque.
Certains de vos parfums ont été déclinés en plusieurs versions : pourquoi ce choix, plutôt original pour une marque de niche ?
Delina étant notre best-seller, nous avons décidé de créer d’autres parfums de la même gamme. Nous voulions offrir des versions twistées, plus orientales ou plus fraîches, mais en gardant le même ADN pour répondre à la demande de notre clientèle. Delina Exclusif est une version raffinée qui peut être portée en soirée, et le tout nouveau Delina La Rosée est un parfum plus frais, qui s’adresse plutôt à une population plus jeune. Tous les trois sont très différents mais avec une touche commune. Cela a été un grand événement pour nous.
Comment choisissez-vous les parfumeurs avec qui vous travaillez ?
Le choix du parfumeur s’effectue en fonction des projets et de la direction olfactive que je souhaite prendre à chaque fois. Mon travail préféré dans cette construction complexe de l’élaboration d’un parfum reste la phase de briefs auprès des grands parfumeurs avec qui j’ai la chance de travailler. J’aime l’échange préliminaire qui nous amène à rendre des visions réelles, tangibles. Le travail de recherche de la première « accroche olfactive », les allers et retours avec les parfumeurs sont mes moments favoris et in fine, les plus importants dans mon métier. Même en travaillant avec les meilleurs parfumeurs, je peux mettre jusqu’à deux ans pour développer un parfum.
Comment imaginez-vous les parfums de demain ?
Après une année marquée par cette pandémie mondiale, je pense que le marché des parfums piaffe d’impatience pour la suite de 2021. Ces temps sans précédent ont sans aucun doute affecté les préférences et les demandes des consommateurs dans tous les secteurs. De nouvelles préoccupations ont émergé, comme la durabilité, le bien-être et les exigences de la génération Z, qui devraient influencer de manière significative le marché. L’accent mis sur la « beauté propre » et la transparence des formulations se traduira par de nouvelles formules naturelles et synthétiques, conformes aux tendances écologiques. L’un des principaux défis de notre industrie est désormais de mettre en évidence la manière dont les ingrédients synthétiques et même biotechnologiques peuvent être durables en évitant l’épuisement des ressources naturelles, tout en étant sûrs pour le consommateur évidemment ! Nous travaillons d’ailleurs avec deux des plus grands fabricants de parfums, Givaudan et Firmenich, car ils figurent parmi les leaders de la formulation durable.
Julien Sprecher, quel est votre luxe à vous ?
Pouvoir créer sans contrainte ! En lançant Parfums de Marly, je voulais proposer du rêve, quelque chose de nouveau dans une parfumerie qui manquait cruellement d’originalité, en proposant des jus signés, avec un parti pris fort. Comme nous sommes une maison indépendante, je n’ai pas d’impératif et je peux donner libre cours à mon imagination sans contrainte de temps ni de ressources. C’est pour moi un luxe qui n’a pas de prix !