Professeur associé chez Kedge Business School, Aurélien Décamps est également le co-fondateur de Sulitest, un mouvement international qui développe des outils pour s’engager dans la construction d’un futur durable.
Vous avez à nouveau accepté d’être membre du jury du Prix de l’Innovation Responsable de la Fragrance Foundation France et nous en sommes ravis. Pourquoi ce prix est-il important pour vous ?
Je travaille tous les jours à accélérer la transformation des systèmes et des organisations par la diffusion des enjeux de développement durable et de responsabilité sociétale. Je suis convaincu de l’aspect systémique de ces enjeux et qu’il faut les faire sortir d’un sujet d’experts et/ou de convaincus et prendre conscience qu’ils touchent l’ensemble des secteurs et des métiers. Ce prix est l’un des nombreux signaux qui montrent l’accélération de cette prise de conscience, comment le secteur du parfum et du luxe se connecte à ces enjeux et transforme progressivement son cœur de métier pour y répondre. Cette transformation prend forcément du temps, mais les candidatures reçues pour ce prix montrent une certaine maturité dans la prise en compte de ces enjeux et une volonté d’apprendre et de progresser vite pour les implémenter concrètement.
Ingrédients clean, recyclage, 100 % naturel, chimie verte… depuis 20 ans, la parfumerie se positionne comme une industrie davantage durable avec des initiatives nombreuses et diverses. Que signifie pour vous une parfumerie durable ? À votre avis, quelle est la priorité pour la filière ?
Comme pour toute filière, répondre aux enjeux de développement durable demande de réinterroger son cœur de métier, l’ensemble de sa chaîne de valeur et de ses relations avec les parties prenantes. Une parfumerie durable remplit pour moi trois priorités. Premièrement : avoir une approche systémique (ou à 360 degrés) qui travaille sur toute la filière, du sourcing à la distribution et à la récupération et qui connecte l’ensemble de ses impacts (économiques, sociaux et environnementaux). Deuxièmement : favoriser les zones de coopération avec l’ensemble de ses parties prenantes (fournisseurs, clients, mais aussi concurrents). Troisièmement : être leader par l’exemple, c’est-à-dire faire en sorte que l’innovation responsable que l’on déploie au sein de sa propre organisation améliore l’impact et les pratiques de l’ensemble du secteur.
Les sociétés du secteur du parfum et du luxe communiquent de plus en plus sur la RSE. Cette tendance initiée en B2B commence à se développer dans le discours auprès des clients. Pensez-vous que c’est une tendance forte des prochaines années ? En quoi est-ce bénéfique pour le secteur ?
Je suis effectivement convaincu que nous avons passé un seuil dans la prise de conscience de ces enjeux par le grand public et que la relation aux clients est un moteur important à connecter aux enjeux B2B / filière. Plus largement, nous connaissons aujourd’hui l’ampleur et la dimension systémique des défis à relever, et nous commençons tous à en ressentir concrètement les effets. La crise du Covid que nous venons de vivre en est une illustration parfaite, parmi beaucoup d’autres. Les conséquences des activités humaines comme la déforestation ou l’artificialisation des sols facilitent les contacts entre espèces sauvages et humains et la transmissions de virus. L’hyperconnexion de nos économies s’est chargée de diffuser ce virus à l’ensemble de la planète en quelques semaines et accessoirement de stopper net l’activité mondiale et de nombreuses chaînes d’approvisionnement. Nous avons tous vécu et ressenti « pour de vrai » les effets des liens entre nature, économie et société. Les entreprises détiennent une grande partie des réponses à apporter à ces défis pour rendre leur activité, et plus largement nos systèmes, un peu plus résilients. Il s’agit de rendre son business, son activité, futuro-compatible. De ce point de vue, les 17 objectifs de développement durable (ODD) de l’Agenda 2030 fournissent un référentiel commun pour un futur souhaitable et une feuille de route pour l’atteindre, dont les entreprises peuvent se saisir.
Revenons au parfum. Dans la vie de tous les jours, quelles odeurs vous font-elles vibrer ?
Mes origines bordelaises me font pencher vers les mélanges d’odeurs que l‘on retrouve dans le vin. La complexité, la puissance et la subtilité d’un accord entre des parfums de fleurs, de fruits ou de bois peuvent donner des choses exceptionnelles !