Nathalie Feisthauer est parfumeur indépendant depuis 2014 après avoir travaillé pour Givaudan et Symrise. Passionnée par les parfums depuis sa jeunesse, elle nous parle de son style créatif et de ce qui l’inspire.
Pouvez-vous nous parler de votre première rencontre avec le parfum ? Vous souvenez-vous de votre première création ?
Oui, je m’en souviens très bien, c’est un moment qui a changé ma vie. J’ai senti Opium à l’âge de 16 ans et j’ai eu une révélation ! Ce parfum a provoqué ma vocation et je suis devenue parfumeur.
Avez-vous des ingrédients fétiches dans votre travail ? Des odeurs préférées à titre personnel aussi peut-être ? Y-a-t-il à l’inverse des odeurs que vous aimez moins ou pas ?
En parfumerie, je ne réfléchis pas vraiment en « ça sent bon » ou pas, mais plutôt « que puis-je faire de cet ingrédient ? ». Savoir utiliser quelque chose de bizarre et d’en faire quelque chose qui sent bon, ça c’est mon métier. J’aime que mes formules soient précises, que chaque ingrédient ait sa place. Mes goûts ne devraient pas influencer mes créations, car je suis là pour écrire l’histoire de mes clients, avec mon style et mon esthétique évidemment. Je préfère en général les bois, les épices et les ingrédients rares. En tant que parfumeur indépendant, j’ai la chance d’utiliser de belles matières ayant souvent une production mondiale trop petite pour de gros projets.
Vous êtes indépendante depuis 6 ans après avoir longtemps travaillé au sein de grandes sociétés de composition. Quelles sont les principales différences dans votre façon de travailler ?
La différence principale, c’est que je décide de tout : je suis en direct, il n’y a pas d’intermédiaire (de vente, marketing…). J’aime cette proximité et cette liberté. C’est également moi qui choisis mes clients.
En tant que créatrice, quelles sont vos sources d’inspiration ?
À vrai dire, tout : je suis une éponge ! Les voyages, la cuisine, l’art, les fleurs, la très créative nature… À Bagatelle, 100 roses vont avoir 100 couleurs, formes et odeurs différentes. C’est une source sans limite d’inspiration.
Pour quels types de marques créez-vous ?
J’ai aujourd’hui des clients dans 30 pays. Je crée pour tout type de marques mais principalement des marques de niche ou indépendantes. Il peut s’agir de parfums comme de bougies.
Quel(s) parfum(s) d’un autre créateur auriez-vous aimé créer ?
Il y en a plein ! Si je devais n’en citer qu’un, ce serait l’Heure Bleue qui est un vrai accord, aucune matière première ne sentant l’Heure Bleue. Je pourrais dire la même chose de Mitsouko. Après, j’ai un petit panthéon olfactif où il y a, sans ordre, Poison, Opium, Light Blue, Paris, Angel, L’Eau d’Issey, Féminité du bois… Ce sont tous des parfums en avance sur leur temps, disruptifs comme on dirait aujourd’hui. Ils ont ouvert de nouvelles voies créatives.
Quelles tendances originales voyez-vous pour les parfums demain ?
Je pense que nous allons vers une quête de sens, de vrai, de sincérité… Pour LabScent, j’avais choisi le slogan « Besoin de sens », la formule fonctionne en français mais n’est pas vraiment traduisible, ce qui a donné « Scents that makes sense ». Ce besoin de sens résonne de plus en plus avec les clients qui aiment cette proximité et cette démarche créative. Il résonne également avec le besoin de sens des consommateurs dans leur vie, leur carrière. Pour en revenir au parfum, il y a également une attente de rareté, de belles matières premières. En tant qu’indépendante, je suis très heureuse de pouvoir les utiliser.