En à peine quelques années, la fondatrice de la marque Essential Parfums a su révolutionner le secteur de la niche dans un esprit éclairé, alliant jus de caractère, parfumerie responsable et prix accessibles.
Par Marie Bénédicte Gauthier

et CEO chez ESSENTIAL PARFUMS
Essential Parfums ravit les narines du public depuis 2018. Pouvez-vous évoquer la genèse du projet ?
Tout d’abord mon histoire familiale s’inscrit dans un monde parfumé ! Enfant le métier de Nez m’inspirait, mais je n’étais pas assez douée en maths … À la place j’ai fait Philo-Langue, une discipline qui m’a amenée à penser autrement … Mes parents ont travaillé 20 ans chez Rochas puis imaginé leur propre marque, les Parfums Aubusson. Pendant 15 ans j’ai travaillé pour eux, un beau poste d’observation, même si j’ai fait une petite incursion dans la Cristallerie d’art. Ensuite j’ai rejoint Selective Beauty, fondé par Christophe Cervasel (le fondateur d’Atelier Cologne). On développait des marques de licence comme Max Mara ou Trussardi. Une belle expérience !
Ensuite vous avez accompagné d’autres marques sur leur développement à l’international…
Oui je ne me voyais pas dans un grand groupe mais j’aimais contribuer à l’identité de marques. Je me suis mise à rêver de la mienne mais pas tout de suite. J’ai d’abord « reniflé le marché si l’on peut dire, en m’enthousiasmant pour la niche. Serge Lutens, bien sûr, je suis toujours une afficionado de Féminité du Bois, un véritable chef d’œuvre. J’étais admirative de Diptyque aussi, une marque qui est arrivée à une visibilité folle sans jamais rien perdre de leur originalité, leur âme. Et bien sûr les Éditions de Parfums Frédéric Malle.
En 2018 vous lancez Essential Parfums avec un axe original. Pouvez-vous nous en parler ?
Là encore j’ai observé. Des marques qui n’avaient rien à voir avec le parfum, des étoiles montantes à forte implication sociale et sociétale comme les lunettes Warby Parker (ils offraient une paire de lunette aux nécessiteux à chaque achat) ou Maison Standard et leur prêt à porter responsable.

Vous avez alors pris le parti d’un parfum plus vertueux ?
Oui avec un parti pris de transparence dans un monde assez opaque. Est-ce qu’on ne pourrait pas être un petit peu plus vertueux, protéger la planète, revenir à l’essentiel à savoir le jus, redonner la parole aux parfumeurs, ces génies créatifs ? J’ai assemblé chacun de ces éléments jusqu’à obtenir l’équation idéale pour moi, Essential Parfums. Je le résumerai en une phrase : une marque de niche signée par les plus grands nez, avec une approche éco-responsable et durable à un prix abordable.


Par quoi avez-vous commencé ?
Le graphisme, le logo, une charte pour bénéficier de matières premières récoltés durablement le plus souvent possible, un alcool végétal issu de la betterave, des prix raisonnables pour les consommateurs. Et une idée de packaging révolutionnaire assez complexe à réaliser !
C’est-à-dire ?
Un souvenir de noël a ressurgi, un coffret particulier qui laissait voir l’objet. Nous avons alors imaginé enserrer le flacon dans un mille-feuille de carton ondulé brut certifié FSC sans colle. Une opération complexe mené par la société Smurfit Kappa avec des calages parfaits pour que le flacon ne tombe pas. Là on pouvait voir la couleur du jus (sans colorant), le nom du parfumeur, c’était disruptif. Tellement original que certains ont pensé que c’étaient des maquettes … Depuis nous avons gardé le même principe mais avec un nouveau flacon fait sur mesure par l’agence Objets de Convoitises. Un flacon innovant avec du verre recyclé et des petites différences qui jouent sur un nouveau luxe.


Le prix est un paramètre important pour vous. D’où est venu cette envie de démocratiser le parfum de niche ?
Je considère le parfum comme un vecteur de culture auquel chacun doit avoir droit ! La difficulté c’était de choisir la distribution, il y a beaucoup d’intermédiaires dans ce milieu, distributeurs, détaillants etc. On a cherché un équilibre, choisi nos partenaires pour que cela n’influe pas sur le prix de vente qu’on s’était fixé : 88 € pour les eaux de parfums. Nous avons su toucher une clientèle exigeante en termes de qualité, mais qui ne pouvait pas forcément mettre 280 € dans un parfum. Et notre première boutique en propre Rue du Bourg-Tibourg nous a beaucoup aidés. Le contact avec les clients est primordial, c’est pourquoi nous choisissons également nos points de vente (plus de 110 en France) avec beaucoup d’attention. A l’étranger notre but est d’ouvrir sur les bons spots, Shanghai, New-York etc. … Enfin nous avons lancé un outil de diagnostic olfactif original pour aiguiller les clients, leur faire découvrir de nouveaux opus.
Combien de références avez-vous aujourd’hui ?
Dès 2018 nous en avons lancé 5 d’un coup, aujourd’hui nous en avons 11 (plus les dérivés) tous créent avec des parfumeurs dont j’admire le talent. Anne Flippo, Nathalie Lorson, Fabrice Pellegrin, Quentin Bisch, Natalie Gracia-Cetto, Olivier Pescheux, Sophie Labbé, Antoine Maisondieu, Calice Becker, Bruno Jovanovic et aujourd’hui Dominique Ropion. Nous entretenons un rapport privilégié avec chacun d’entre eux, nous avons d’ailleurs initié Conversations Olfactives, un podcast où je joue l’intervieweuse. J’adore !
