Moins de sucre, plus de plaisir : les nouvelles addictions parfumées

Par Nicolas Olczyk

Pour créer un parfum addictif, les notes gourmandes comme la vanilline et l’éthyl maltol sont très efficaces… Mais les parfumeurs ont d’autres idées pour créer des fragrances qui nous rendent accros.

Les pionniers de l’addiction olfactive

« Pour celles qui s’adonnent à Yves Saint Laurent ». En 1977, bien avant la vague gourmande qui déferlera quinze ans plus tard, Opium donnait le ton : un parfum peut vous rendre accro !

A tel point que les États-Unis refusèrent de le lancer avant de vérifier qu’il était sans risque, rappelle sa maman, la créatrice Chantal Roos. « Il a fallu prouver que mettre sur le marché ce parfum n’incitait pas les femmes à se droguer ». Une fois lancé, le succès fut immédiat.

Mais qu’est-ce que l’addiction en matière de parfums ? C’est la réflexion qu’ont eu Olivier Cresp et sa fille Anaïs quand ils ont créé Akro*. En 1992 déjà, le parfumeur créait Angel avec une overdose de plusieurs ingrédients, parmi lesquels le patchouli et l’éthyl maltol, molécule à odeur de praline et caramel. L’addiction aux parfums sucrés était née !

En 2002, Dior lançait le parfum Dior Addict, philtre vanillé-floral moins gourmand mais avec une publicité osée suggérant clairement l’addiction.

De nouvelles addictions gustatives

Avec le succès de La vie est belle en 2012, les parfums gourmands ont fait leur retour et de nombreuses marques ont adopté des concentrations encore plus élevées d’éthyl maltol. Mais la tendance évolue ces dernières années.

D’un côté des notes plus niche : les fruits à coque tels la pistache et la châtaigne, les liqueurs, et des inspirations plus salées. Comme dans le nouveau parfum « délicieusement addictif » La foncedalle de Versatile osant une note poulet !

De l’autre : une volonté des marques de créer des fragrances addictives hors du registre gourmand.

Comment créer des addictions olfactives au-delà du sucre ?

La maison Takasago a récemment dévoilé une étude entièrement dédiée aux addictions. De la cigarette au café en passant par la dépendance aux réseaux sociaux ou à l’idée du corps parfait, la notion d’addiction dépasse largement celles que la société attribue souvent à la drogue ou à l’alcool.

Pour accompagner ce travail de recherche, les parfumeurs de Takasago ont imaginé des accords novateurs autour d’ingrédients comme le Mad honey, un miel hallucinogène, le Death Wish, café le plus fort du monde ou le ganoderme, champignon utilisé en médecine chinoise.

Le sexe est aussi un vecteur d’addiction. Il continue d’inspirer les créateurs, comme récemment Tom Ford avec Vanilla Sex ou Charlotte Tilbury avec More Sex.

La parfumeure de Takasago a imaginé plusieurs fragrances innovantes comme Pornoud, un oud modernisé par une gelée de fruits noirs. Ou White Fog, autour d’un whisky très fin associé à la tubéreuse et un accord poppers, substance chimique surnommée « drogue du sexe ».

Addiction olfactives : qu’en pensent les créateurs de parfum ?

Y a-t-il des ingrédients qui rendent les consommateurs accros à un parfum plutôt qu’un à autre ? Nous avons interrogé plusieurs parfumeures pour avoir leur avis sur les notes addictives au-delà du sucre.

Mystère et opulence

La parfumeure Cécile Zarokian recommande d’explorer de nouvelles idées autour d’une sensualité mystérieuse et envoûtante. « C’est avec cette philosophie que j’ai créé dernièrement Outlands pour Amouage » explique-t-elle.

« J’ai cherché à retranscrire une addiction charnelle avec des matières nobles, enveloppantes, réconfortantes et animales comme l’absolu vanille, des résines et baumes tels le benjoin, l’opoponax, l’encens et le labdanum. L’aspect cuiré du safran et les notes ambrées renforcent l’addiction ».

Ces dernières années les marques ont créé de l’addiction avec des overdoses de bois ambrés**. Mais pour la parfumeure de Mane Véronique Nyberg, « les notes addictives ne se limitent pas aux accords vanillés, gourmands ou aux signatures ambrées » justement.

On peut aussi « explorer l’addiction à travers des floralités opulentes ». Comme dans le parfum Midnight Sex, qu’elle a créé pour Rabanne. « Dans cette création, la tubéreuse est sublimée, offrant une addiction ultra-féminine grâce à des accords lactés de noix de coco et bois de santal, sur un fond musqué envoûtant ».

Séduction invisible

Les muscs sont en effet une autre piste pour des parfums addictifs moins gourmands, un credo du créateur Narciso Rodriguez. Difficiles à sentir, ils se révèlent davantage sur peau et contribuent à donner de la sensualité aux parfums.

Les muscs, c’est aussi l’idée de Sonia Constant. Pour le parfum Musc K d’Ella K, elle explique avoir voulu créer une « addiction extrême ». Mais « sans utiliser l’addiction facile de l’éthyl maltol présent dans de nombreux parfums » confie-t-elle***.

« Les muscs sont d’excellents vecteurs d’addiction, confirme Véronique Nyberg, se transformant parfois en une véritable seconde peau***, à tel point qu’il devient difficile de s’en passer ! »

Les muscs sont souvent associés à l’ambroxan, à l’odeur douce et sensuelle un peu plus boisée, très appréciée pour susciter l’addiction.

Créer des parfums qui rendent les consommateurs accros, et qu’ils rachèteront : le Graal pour les marques et les parfumeurs !

(*) voir notre article consacré à Akro et Olivier Cresp

(**) voir notre article consacré aux bois ambrés

(***) voir notre article sur les parfums de peau

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