
Par Lionel Paillès
« David » par-ci, « David » par-là. Depuis 3 ans, son prénom et son nom sont sur toutes les lèvres. C’est que ce garçon poli et modeste impressionne par son parcours compte tenu de sa jeunesse. Il n’a pas 25 ans quand l’aventure BDK Parfums démarre. Une autre chose interpelle ceux qui l’ont approché : sa fidélité farouche à une histoire familiale infusée de parfum. 1959, les grands-parents de David Benedek, exilés de Transylvanie, ouvrent une première parfumerie destinée aux touristes à l’angle de la rue Royale et de la rue Saint-Honoré, dans un appartement, au 4e étage d’un immeuble haussmannien. Ils y commercialisent des marques prestigieuses telle que Christian Dior ou Worth. Le décor est planté et le destin en marche. « J’ai vécu mon enfance au milieu des parfums. J’étais proche de ma grand-mère qui me racontait de belles histoires où les noms de madame Grès, Jacques Fath ou Jean Patou résonnait comme ceux de personnages merveilleux de conte. Après des études à l’ESSEC, le jeune homme prépare un troisième cycle à l’IFM (Institut Français de la Mode), option parfum et cosmétique, en 2011-2012. L’idée de créer sa marque de fragrances lui vient en 2014. Premier réflexe : se mettre en situation de savoir de quoi il parle. Il suit une formation autour des matières premières et des accords classiques de la parfumerie à l’IFM avec les équipes Givaudan puis à l’école Cinquième Sens, avec Isabelle Ferrand. Il dessine avec une amie de l’IFM un flacon aux inspirations à la fois contemporaines et Art déco avec un clin d’œil aux toits de Paris et plus particulièrement celui du Grand Palais.
La Maison voit le jour précisément le 23 juin 2016. « J’ai choisi BDK, qui sont les initiales de mon patronyme. Je trouvais que ça pouvait donner l’image d’un collectif, c’est ainsi que j’imaginais cette Maison ». A l’image d’un Simon Porte Jacquemus, David a grandi avec une solide culture du vintage. BDK Parfums est d’ailleurs un hommage assumé à la grande parfumerie classique — celle qu’admirait et portait la grand-mère de David— à laquelle le créateur applique un twist de modernité en intégrant des matières premières contemporaines et en appliquant des gestes créatifs d’aujourd’hui. Illustration de travail de léger décalage au lyrisme maitrisé : Nuit de Sable (2020), inspiré d’un délice glacé d’Ispahan (le bastani Sonnati) parfumé au safran et à l’eau rose. Un jus au potentiel good vibes maximum.
Maintenant que la marque existe, il lui reste à inventer sa propre façon de dialoguer avec les parfumeurs pour trouver une signature. David n’a jamais voulu confier la création à une seule et même personne. « J’aime bien l’idée de construire cette marque avec un collectif qui enrichit le propos au fur et à mesure des années ». Dans tous les cas, les choses sont faites en toute transparence : « Il peut m’arriver de partager une future idée avec différents parfumeurs et dans ce cas précis, les intéressés sont tenus au courant. Il m’arrive aussi de m’adresser à un parfumeur pour un projet particulier que j’estime taillé pour lui ». Lorsqu’on l’interroge pour savoir quel a été le point de bascule, ce moment où la marque a trouvé une visibilité, une crédibilité, David répond non par une date mais une fragrance : Gris Charnel, sorti en 2019. Ce souffle d’iris faussement rétro, imaginé par Mathilde Bijaoui (MANE), se teinte de figue et d’une note de thé noir surprenante. Un peu à l’image d’un Frédéric Malle ou un Kilian Hennessy, David Benedek donne de sa personne pour incarner la maison qu’il a créée. Il n’y a qu’à jeter un œil sur son compte Instagram pour s’apercevoir qu’il est un peu partout à la fois : Londres, Dubaï, New York… « Cette Maison porte mon nom alors je me fais un point d’honneur de porter ses messages auprès de nos clients, des distributeurs et des artisans », précise ce voyageur qui est à l’étranger à la fréquence d’une semaine par mois et environ 4 mois par an.
Tout va très vite et en 2022, David Benedek reçoit le prix du meilleur parfum de niche de la Fragrance Foundation France dans la catégorie “marque indépendante” pour Velvet Tonka signé Alexandra Carlin (Symrise). En 2023, c’est la fragrance Gris Charnel Extrait qui est récompensée par la Fragrance Foundation USA pour la catégorie « Perfume Extraordinaire of the Year ». Une sorte de consécration pour une jeune marque. BDK Parfums grandit et David Benedek sort peu à peu de l’esprit start-up des débuts.
Pour simplifier au maximum les process, il a eu une intuition : « Je n’ai choisi que des fournisseurs français : c’était évidemment cohérent avec le fait de lancer une marque française et en termes de réactivité, c’est idéal ». Cette image de la marque française, le jeune entrepreneur y tient. « Je suis heureux de constater que mon premier marché reste la France, suivi des Etats-Unis et du Moyen-Orient ». Heureux aussi de constater que Rouge Smoking Extrait (une co-création Margaux Le Paih Guérin et Amélie Bourgeois, Studio Flair) a été bien reçu et compris des différents marchés.
Ce jeune homme pressé a déjà la tête à sa prochaine création, présentée en avril prochain au palais de Tokyo. Tout ce qu’on sait, c’est que cette composition est l’œuvre du nez Jordi Fernández (Givaudan), grand maître de l’éloquence olfactive et de la sensualité qui ne s’excuse pas.
Retrouvez le pop–up de la marque BDK Parfums pour une expérience immersive entre parfum et photographie, dans l’atrium des Galeries Lafayette Champs-Élysées, jusqu’au début du mois de mars 2025.