Interview croisée entre Elise Ginioux et Philippe Ughetto sur les enjeux RSE de la filière Parfum et l’évolution du Prix de l’Innovation Responsable en 2025

Par Luce Grossetete

La Fragrance Foundation France a créé en 2020 le premier Prix de l’Innovation Responsable pour un Parfum, en partenariat avec Generali.

Ce Prix a pour objectif de mettre en lumière l’engagement durabilité tout au long de la chaîne de valeur de la filière Parfum ; il est remis chaque année lors des Fragrance Foundation Awards. C’est le moment incontournable de la parfumerie où l’on célèbre les plus beaux lancements de l’année écoulée.

Le jury du Prix est composé d’un panel d’experts reconnus dans les métiers de la RSE. Elise GINIOUX, membre du Comex de Generali France, en charge du Marketing, de la Communication, de la Durabilité, et des Affaires Publiques, en est sa présidente.

Interview croisée entre Elise GINIOUX et Philippe UGHETTO, président de la Fragrance Foundation France, sur les enjeux RSE de la filière Parfum et l’évolution du Prix de l’Innovation Responsable en 2025.

Elise et Philippe, pourriez-vous présenter vos missions respectives et leurs points communs ?

Elise : chez Generali, je suis en charge du marketing, de la communication, des affaires publiques et du développement durable : il s’agit ainsi d’une direction qui s’adresse à l’ensemble des parties prenantes de l’entreprise (prospects, clients, pouvoirs publics, associations…), et cette intégration permet d’avancer ensemble avec les parties prenantes.

Un des points communs que je vois entre Generali et la Fragrance Foundation est que notre entreprise et l’industrie du parfum sont confrontées à de nombreuses macro-tendances communes : démographiques, technologiques comme l’IA, risques climatiques… Ces tendances profondes viennent percuter nos activités. Cela fait écho au Prix de l’Innovation Responsable pour un Parfum, qui est une façon de les anticiper et de trouver une résilience.

Generali est aussi une entreprise qui compte de nombreuses PME parmi ses clients, or le secteur du Parfum compte beaucoup de PME et d’artisans indépendants, sur toute la chaîne de valeur : nous les côtoyons, nous les soutenons dans nos activités d’assurance. C’est un autre point commun.

Philippe : le parfum est un des piliers de l’art de vivre français. Qu’il s’agisse de son rôle économique, de sa contribution au rayonnement de l’excellence française à l’international ou de son engagement en matière de RSE, le parfum fait face aujourd’hui à des enjeux collectifs majeurs.

Notre mission, à la Fragrance Foundation, est d’animer la communauté de ceux qui font avancer le monde du parfum. Du côté des acteurs de la filière, nous nous engageons à mobiliser, à confronter et aligner les points de vue sur les enjeux qui doivent être traités collectivement.

Le parfum responsable est le thème d’avenir n°1 sur lequel nos adhérents souhaitent que nous nous mobilisions. Depuis plus de 2 ans, nous mettons en place une commission dédiée à ce sujet avec les experts de la filière et adhérents de la Fragrance Foundation, afin d’organiser des conférences, tables rondes, rencontres avec les experts du secteur.

Fédérer, mobiliser et débattre ensemble sur les engagements de la filière est clé pour faire avancer notre industrie.

Nos points communs avec Generali ? Tout d’abord, je dirais l’excellence et l’innovation dans nos secteurs respectifs. Également, notre intérêt commun avec Generali pour l’engagement des sociétés en matière de responsabilité environnementale et sociétale.

Nous sommes honorés et fiers de ce partenariat, et de la fidélité du groupe Generali à nous soutenir depuis 2020.

Philippe, comment voyez-vous l’évolution de l’engagement de la filière Parfum en matière de RSE, ces dernières années ?

Philippe : la filière Parfum est engagée en matière de RSE depuis un moment. Une évolution majeure des dernières années est, je dirais, le fait que nous voyions de plus en plus de prises de parole des entreprises sur les enjeux transverses, environnementaux, et sociaux / sociétaux. Les engagements et objectifs sont clairement communiqués, avec une cohérence des messages de marques entre les différents leviers de communication.

Philippe, comment le Prix de l’Innovation Responsable pour un Parfum trouve-t-il toute sa place au sein des Fragrance Foundation Awards ? 

Philippe : nous avons été les premiers, en 2020, à initier un Prix dédié à l’Innovation responsable au sein de la catégorie Parfum. Chaque année, les marques sont de plus en plus nombreuses à candidater et à vouloir décrocher cette reconnaissance qui leur apporte aussi une « caution » de la part d’une institution reconnue en France et à l’international.

Ce prix est le reflet de l’engagement de la filière Parfum sur les enjeux et les défis du développement durable, et il donne de la visibilité à cet engagement.

C’est donc tout naturellement qu’il prend sa place au sein des Fragrance Foundation Awards, qui célèbrent chaque année les plus beaux lancements de parfums en France, l’innovation et la créativité.

Lancé en 2020, le Prix a évolué en même temps que la montée en puissance de l’engagement de la filière, avec notamment la création de deux catégories -« Marque Historique » et « Marque Espoir »- dès 2023. Quelle est l’évolution à venir pour l’édition 2025 ?

Elise : depuis le lancement du Prix en 2020, on a vu le marché se structurer et les innovations passer à l’échelle. Par exemple, les recharges : il n’y a plus un seul lancement de marque majeure sans la recharge.

Notre objectif est d’être toujours au plus proche de la réalité du marché et des évolutions des entreprises en matière de RSE.

D’ailleurs, je remercie la commission de travail interne à la Fragrance Foundation, dédiée au Prix de l’Innovation Responsable, qui s’attache chaque année à faire évoluer le questionnaire pour être le plus pointu possible.

Qu’en est-il pour 2025 ? Si, ces dernières années, le Prix récompensait une innovation dans le cadre d’un engagement RSE d’entreprise à 360°, cette année, l’évolution du Prix consiste en un focus plus resserré sur une innovation responsable mise en œuvre lors du lancement d’un parfum, et qui aura bousculé les lignes de la filière en 2024.

Elise, vous êtes présidente du Jury du Prix ; pourriez-vous nous dire quelles sont les étapes de sélection ?

Elise : Il y a 3 étapes clés. Les marques remplissent tout d’abord un dossier de candidature précis et ciblé, que les 8 jurés du Prix lisent attentivement et évaluent en fonction d’une grille de critères correspondants. À l’issue de cette étape de pré-sélection, les marques finalistes sont invitées à défendre leur projet devant le jury, lors d’une journée de délibération. Le jury procède ensuite à la délibération et aux votes en fin de journée.

J’aimerais d’ailleurs ajouter un mot sur le jury : les jurés couvrent l’ensemble des dimensions et des métiers de l’ESG. Chacun est expert dans son domaine. Par exemple, Caroline Renoux, fondatrice du cabinet de recrutement Birdeo, est experte des métiers à impact au sein des entreprises. Raphaël Masvigner, co-fondateur de Circul’R, est spécialiste de la circularité. Florence Baitinger, co-fondatrice de l’entreprise Gobi, est experte en matière d’éco-conception, etc…

Non seulement les personnes composant le jury ont ces connaissances, et un haut niveau d’exigence, mais en plus elles sont très engagées, certaines depuis plus de 20 ans. Ainsi, elles ont une expertise extrêmement précieuse.

Tout en gardant ce pôle d’expertise, le jury va légèrement évoluer en 2025 : avec la professionnalisation du secteur, nous avons décidé d’ajouter une ou deux expertises du secteur de la parfumerie. Nous aurons ainsi un jury mixte, afin d’avoir des regards différents, qui challengent et pousseront toujours à l’amélioration de la filière.

Elise, vous accompagnez la FFF sur le Prix de l’Innovation Responsable depuis ses débuts. Pourriez-vous nous dire s’il y a des marques et des rencontres qui vous ont marquées ces 4 dernières années ?

Elise : une vraie découverte pour moi a été de rencontrer de très jeunes entrepreneurs. J’ai été frappée par la jeunesse et l’audace de certains entrepreneurs -qui avaient quelques années d’expérience dans des maisons-, par leur capacité à se lancer, à oser créer une marque, en jouant avec les codes de communication de leur génération. La filière Parfum attire des gens qui osent et font des choses ambitieuses, en renouvelant les codes de la parfumerie. Ce sont eux qui ont le regard ESG le plus natif.

Un second point marquant ? Nous avons face à nous des gens qui arrivent avec des dossiers aboutis ; soit ils osent davantage se présenter devant le jury, soit c’est le signal d’une profession qui commence à vraiment intégrer le sujet ESG. C’est très positif pour la filière !

Même question pour vous Philippe ?

Philippe : ce que je remarque, c’est la pérennité des marques candidates : quasi 100% des marques ayant candidaté depuis le début du Prix fonctionnent bien aujourd’hui. On peut ainsi penser que les entreprises qui s’engagent dans une démarche ESG sont plus robustes.

Cette approche force à structurer son business, son processus de production ; la performance ESG est contributrice de la performance et de la résilience de l’entreprise.

De plus, leurs produits correspondent aux attentes du marché.

Deux dernières questions très concrètes : Philippe, si une marque souhaite candidater en 2025, quel serait le process ? Elise, quel conseil donneriez-vous à cette marque ?

Philippe : les candidatures pour 2025 ouvrent le 9 janvier et ferment le 28 février 2025. Les critères pour candidater sont simples : il faut avoir lancé un parfum en 2024 et y avoir mis en œuvre une innovation responsable transformatrice ; l’innovation peut être d’ordre environnemental et/ou sociétal. Par exemple : avoir suivi une démarche d’éco-conception, de recherche de circularité, ou de protection de la biodiversité ; s’être fortement engagé avec une partie prenante liée à ce parfum, par exemple, auprès de communautés de récoltants d’une matière première phare, etc…

Pour candidater, il suffit de se connecter sur le site de la FFF, préciser pour quelle catégorie on concourt (« Marque historique » pour les marques de plus de 5 ans ou « Espoir de la Parfumerie » pour les marques de moins de 5 ans), et remplir le dossier de candidature, avant la date limite.

Elise : un conseil général, tout d’abord : plus tôt on réfléchit à la dimension ESG dans une innovation, mieux c’est, et plus résilient est le projet. L’approche vertueuse doit être intégrée dès le début du projet, intégrée dans les critères d’achats, de production, etc…

Un conseil opérationnel ? Être le plus spécifique, précis possible dans sa candidature, montrer que l’on a réfléchi à l’impact sur toute la vie de l’innovation. On n’avance pas uniquement par conviction, mais aussi de façon scientifiquement prouvée, mesurée. Le calcul d’impact global, sur tout le cycle de vie, est très important. Il a parfois manqué dans le passé. C’est la « nouvelle frontière » des prochaines éditions : nous comptons sur vous, futures marques candidates !

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