Entre le boom de la niche et les flankers qui fleurissent à chaque saison, la mode et même la couture sont loin d’avoir dit leur dernier mot. La preuve cette rentrée avec la ligne de Haute Parfumerie signée Valentino, le quatuor de somptueuses fragrances lancées par Dries Van Noten et la collection tant attentue de Balmain, dévoilée le 27 août et sobrement nommée : les Eternels. En attendant Bottega Veneta et Rabanne…
Par Virginie Rousset.
« Créer un parfum, ce n’est pas juste concevoir quelque chose d’agréable, mais toucher le cœur et l’esprit des gens. Je travaille de la même façon pour mes collections. Le parfum incarne l’essence même de l’identité et de l’âme de la maison. Il est l’expression olfactive de mon univers créatif » confie Dries van Noten qui a choisi de lancer 4 nouvelles fragrances en cette fin d’été.
« Pour ces quatre nouvelles fragrances, j’ai véritablement voulu mettre les nez à l’épreuve. J’avais envie de repousser les limites, non seulement en explorant des combinaisons inattendues, mais aussi en jouant avec des doses plus audacieuses de certains ingrédients, une surdose de basilic (Crazy Brasil), un duo de vanille titillé de galbanum (Vanille Camouflage). Ce facteur de surprise était essentiel pour réaliser des créations olfactives inédites, que l’on n’avait jamais senties auparavant » ajoute Dries van Noten.
Quelle plus belle célébration d’une marque de mode que son adn en flacon ? « Un parfum de couturier c’est comme une extension de la collection. C’est la dernière touche qui vient ponctuer un look. » complète Andrew Everett (IFF) qui a réalisé un des parfums de la collection Haute-Parfumerie de Valentino.
Une créativité décuplée
Après le succès des parfums Born in Roma, Valentino choisit à son tour de se lancer dans la Haute-Parfumerie. « Une façon d’asseoir la marque, de l’installer au centre de la mode mais aussi de la beauté » précise Laure Braive, consultante en conseil et stratégie de création… 7 jus, 7 nez ont travaillé sur cette collection et ils sont tous unanimes : « créer un parfum de créateur, c’est exprimer son adn en parfum. La fluidité des coupes, le rouge Valentino, l’audace. ». C’est aussi la joie de se permettre plus de créativité, de singularité, de sortir des crah test et des notes conventionnelles. Une exaltation, beaucoup plus d’imagination, de culot. Ainsi selon Fabrice Pellegrin de Dsm-Firmenich : « Pour Sogno in Rosso, l’élément central à mes yeux était la couleur rouge, si chère à Valentino. L’ingrédient principal que j’avais en tête était le poivre, qui évoque cette couleur rouge mais également un ingrédient chic en parfumerie. Ce choix crée un contraste intéressant avec la mousse de lait, ajoutant ainsi une touche italienne au parfum. ». Pour Natalie Lorson, « un parfum couture doit apporter quelque chose de nouveau, surprendre comme quand on découvre un défilé. » Ainsi on retrouve un accord rose/mandarine verte dans l’Innocence de l’Air, une tubéreuse tourbillonnante de café dans Private Talk de Valentino.
Le succès du flacon
« Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse » dit l’adage. Mais c’est sans compter la Gen Z et les réseaux sociaux, pour qui le contenant compte parfois triple versus le contenu comme le prouve le succès du #perfumebottle qui dépasse les 50 millions de vues sur Tik Tok », précise Laure Braive. « L’amoureux du parfum se fiche du flacon, pas les fans de la culture mode, qui via cet objet d’art créatif, peuvent toucher du doigt l’univers et l’adn de leur marque favorite. Les codes emblématiques d’une maison se dessinent sur le flacon. Ainsi les modeux s’approprient ses codes, ils se créent leur garde-robe olfactive. Les jeunes cherchent un parfum qui va leur ressembler à un moment donné donc la patte mode est très importante. On le choisit pour soi, se donner confiance, le parfum se montre, ce qui est très nouveau » explique l’experte. « Le parfum et la beauté, permettent aussi de recruter des cibles plus larges, notamment des consommateurs plus jeunes, 30% des achats luxe dans le monde sont effectués par la jeune génération. Le parfum est la clé d’entrée du luxe. » complète Lucille Gaulthier-Braud, experte beauté et lifestyle et consultante en stratégie créative.
« Je veux créer quelque chose qui a un héritage mais tourné vers l’avenir. Quelque chose qui reste à jamais ». Olivier Rousteing
L’ovni Balmain !
On en attendait un, il y en a 8 ! Après un teasing mené d’une main de maître lors du Met Gala en mai dernier, c’est seulement le 27 août qu’Olivier Rousteing, avec les équipes d’Estée Lauder, lance Balmain Beauty et une collection de huit fragrances mixtes (dont certaines anciennes revisitées) déjà annoncées comme collectors. Tout y est : l’adn de la marque de son fondateur Pierre Balmain à Olivier Rousteing, des noms courts et symboliques (Carbone, Ébène, Rouge…) un flacon/statement, beau et imposant, déjà icônique et une campagne de pub élégante et inclusive. Taux de désirabilité maximal, prix cohérent (300$ le parfum, on reste dans les prix de la niche) et plus abordable qu’un tailleur épaulé signature. Dans Numéro, Olivier Rousteing s’exprime : « La beauté va vraiment faire office de révolution pour Balmain. Le tout premier parfum a été lancé en 1946, il est important pour moi de poursuivre cet héritage ». A travers cette collection, Olivier Rousteing veut permettre aux fans de la marque de s’exprimer : « la maison est connue pour sa « Balmain Army », une army of love, beaucoup d’inclusivité, de diversité. Lancer un seul parfum n’aurait pas reflété cette diversité ». Pour lui, « le parfum est une façon extrêmement élégante de se faire connaître…. Ainsi les noms sont courts, les jus racés, ici Carbone, un musc sensuel, Vent Vert, un accord jasmin/mandarine, Bleu, un accord solaire et mer (Bleu) afin que tout le monde s’y retrouve.
Le parfum comme incarnation et déclaration
Dans le monde de la beauté, le parfum se voit de plus en plus comme vecteur d’émotion. « Mais pour une marque de créateur, c’est l’univers et l’adn de marque qui font rêver et suscitent cette émotion » rappelle Laure Braive. Par contre, la parfumerie est un tel succès aujourd’hui que la mode la réinvestit comme un statement, une déclaration, une prise de position dans une notion de lifestyle. Les marques aujourd’hui sont ultra incarnées, émotionnellement, politiquement, le parfum est un passage obligé. Sans compter qu’il tire le marché vers le haut. Car l’enjeu économique n’est jamais très loin. « Le marché de l’habillement est en ralentissement depuis plusieurs années, les marques doivent se diversifier et trouver de nouveaux leviers de croissance et de rentabilité. Pour les maisons de mode, la beauté est un territoire qui permet d’étendre l’univers de la marque et d’explorer de nouveaux points d’attachement avec elle. Surtout avec des consommateurs devenus infidèles. Cela implique donc de les séduire et les surprendre en permanence... » analyse aussi Lucille Gauthier-Braud Et cela n’est pas prêt de s’arrêter. Sous l’impulsion du groupe Kering, Bottega Veneta revient aussi au parfum début octobre avec Came with me, au flacon ultra racé. Rabanne également avec une collection en vente au UK seulement pour l’instant mais qui devrait arriver en France en 2025, Balenciaga se repositionne aussi… Comme le dit Lucille Gauthier-Braud : « Le parfum est plus qu’un accessoire c’est un véritable emblème, c’est la touche finale de la tenue et le sillage qu’il laisse est un marqueur impalpable qui vient en quelque sorte étendre et graver l’aura de la maison de mode ; en ce sens il va au-delà de sa fonction première olfactive. ». D’où son succès et l’engouement qu’il provoque.
* Visuels presse libre de droit.