Tenue, sillage, diffusion, bloom… les parfums sont (aussi) une histoire de performance

Lors de l’achat de parfums, les consommateurs ne se limitent plus au caractère plaisant ou esthétique : ils sont de plus en plus exigeants sur la tenue ou la puissance. Comment les parfumeurs répondent-ils à cette demande ?

Un parfum qui doit sentir

Il y a quelques années encore en parfumeries, lorsque les clients sentaient un parfum et disaient « c’est fort », la vente était mal enclenchée. Aujourd’hui, c’est plutôt l’inverse, ils n’hésitent pas à écarter un parfum qui leur plaît mais qui n’est pas assez intense.

Une attente que confirme Isabelle Ferrand de Cinquième Sens : « Les consommateurs en veulent pour leur argent. Ils sont prêts à mettre cher dans l’achat d’un parfum, mais il faut que ça sente ».

Pour le lancement de la ligne premium Infiniment Coty, la tenue est un argument fort. La marque revendique l’utilisation de l’« aura moléculaire », une technologie de Coty ralentissant l’évaporation du parfum pour une tenue jusqu’à 30 heures. L’intensité est une demande forte explique Sue Nabi, directrice générale de Coty dans une interview au Figaro : « On peut attendre d’un parfum à 15 euros qu’il sente juste bon le frais et le propre, en revanche, s’il coûte 150 euros et qu’il ne sent rien, c’est du gâchis ».

Tenue versus sillage

Mais qu’en est-il du sillage, autre attente des amateurs de parfums ? Depuis quelques années, le site Fragrantica permet ainsi à ses membres de noter les parfums en termes de ténacité… et de sillage. Ce mot employé par certaines marques n’est cependant pas toujours bien compris.

« Le sillage est un peu la marque du passage », explique la parfumeure Dora Baghriche de dsm-firmenich. « Quelqu’un passe, je le sens. En revanche, on ne sait pas à cet instant si le parfum va tenir longtemps, bien qu’un sillage très présent soit déjà une promesse de ténacité ». Les maisons de création disposent d’appareils pouvant mesurer le sillage d’une molécule ou d’un parfum. C’est le cas notamment chez Symrise avec un tube futuriste où on peut vérifier le sillage au nez à des distances variées.

Pourquoi un parfum est-il intense ?

Plusieurs facteurs entrent en jeu dans la création olfactive précise Dora Baghriche : concentration, choix des matières premières, mais aussi sillage et puissance. « La puissance est liée à l’impact de la tête du parfum mais en réalité, c’est un tout : le déploiement et la tenue y contribuent aussi ».

L’impact engendre une perception rapide de plaisir et de présence, ou pas. Comme le dit Jean-Claude Ellena, en parfumerie, une création a deux secondes pour séduire le consommateur. Pour cela le parfumeur peut opter pour des ingrédients à fort impact, même utilisés en touche. Certaines sociétés disposent de molécules captives réservées à leurs parfumeurs. Le parfum pourra être perçu comme plus original et sera également plus difficile à imiter.

Mais tout ne se joue pas sur les notes de tête. De même la puissance ne doit pas être au détriment de l’esthétique, estime la parfumeure de dsm-firmenich.

A l’heure de l’IA, la création parfumée peut être secondée par des données mesurables. « Nous avons des outils de modélisation des parfums, mesurant notamment l’évolution théorique dans le temps », explique-t-elle. « En augmentant les muscs dans la formule on aura plus de tenue, en les baissant, on aura plus d’impact par exemple ».

Pas simple, donc, d’imaginer la formule parfaite. Les marques peuvent proposer différentes concentrations d’une même fragrance mais les formules sont parfois très différentes de l’originale, explique Isabelle Ferrand. « Pour les versions Intense, Parfum ou Elixir, on accentue les notes de fond, notamment les bois ambrés. Mais on ne peut pas rester dans le même univers olfactif en boostant cette surperformance ».

Diffusion et blooming

Cette attente d’intensité n’est pas réservée aux parfums de peau explique-t-elle. « Quand on rentre dans une pièce où brûle une bougie, on veut que ça sente. Il faut que le parfum créé sente même quand ça ne brûle pas. On parlera davantage de diffusion que de sillage ».

D’autres parfumeurs parlent aussi de notion de bloom ou blooming. « Ce sont des notes avec une grande densité, qui donnent de la substance, de la vibration au parfum » explique Patricia de Nicolaï. Pour d’autres, le mot bloom (éclore ou fleurir en anglais) se prête particulièrement aux produits en contact avec l’eau comme les shampooings, savons… « Le bloom, c’est le déploiement dans l’eau, l’équivalent du sillage sur un autre support » explique Dora Baghriche. Une analyse que valide Vincent Ricord de TechnicoFlor : « C’est la capacité du parfum d’un savon ou gel douche à se diffuser dans la pièce quand il rentre au contact de l’eau ».

Frais mais intense

On retrouve ces notions de performance olfactive aussi bien en parfumeries qu’aux rayons lessive ou gel douche, où la fragrance est le principal critère d’achat rappellent les parfumeurs. La « fraîcheur intense », oxymore des marques de produits d’entretien ou déodorants se retrouve aussi en fine fragrance.

Dans la nouveauté H24 Herbes Vives, la parfumeure d’Hermès Christine Nagel renforce la fraîcheur grâce au Physcool®, une molécule de Mane. Si « vives » évoque l’idée de dynamisme, la concentration est une eau de parfum. Chez Cartier, une déclinaison de Déclaration s’appelle, elle, Haute Fraîcheur. Le nom suggère que le parfum est frais, mais qu’il va tenir. Tenue, puissance, sillage, intensité…  un exercice parfois complexe pour les parfumeurs mais une attente croissante des consommateurs !

H24 Herbes Vives (Hermès)
Partager cet article