Par Isabelle Sadoux
Cette exposition est un voyage dans l’Histoire et les Parfums au cœur de la Renaissance.
On y découvre la passion de Léonard de Vinci pour les fragrances, leur composition, leur fabrication. « Les recettes que donne Léonard sont typiques de cette révolution des parfums qui apparaît à la Renaissance, à la fois de la distillation par exemple d’écorces d’agrumes dans de l’alcool, ou de la macération de fleurs et d’amandes qui donne un parfum végétal tout particulier« , explique Pascal Brioist, professeur à l’université de Tours et commissaire de l’exposition.
Son atelier de peintre est mis en scène et notre odorat doit s’accommoder d’effluves inhabituelles et atypiques. « À travers les mots enregistrés dans son Codex Trivulzianus, Léonard se demande comment parler de substances aussi immatérielles et insaisissables que les parfums… ? Perfumare, odorifera, aulente, refragantia, macierato, lacierato, putride, puzolente, putrefatto…” ponctuent ses nombreux textes et dessins poursuit le commissaire Et Carlo Vecce, professeur à l’université de Naples et co-commissaire de l’exposition confirme : « Dans ses manuscrits, il note souvent des recettes de parfums où apparaissent des savoir-faire en usage à Venise, des compositions généralement délicates et nuancées, peu intenses, à base d’essences végétales comme la fleur d’oranger, les fleurs de jasmin et de sureau, l’eau de rose, le genévrier, le cyprès. »
Au détour d’objets insolites comme des alambics, de précieux flacons, de délicats pomanders ou des gants parfumés, tenues et peintures, tissus et bijoux ou oiselet de Chypre (brûle-parfum) recréés par des chercheurs à partir des dessins et écrits de Léonard évoque l’art de se parfumer et donc de plaire à la Cour de la Renaissance.
Elégant et dandy, longtemps amateur de belles tenues et de senteurs séduisantes, Léonard de Vinci termine sa carrière au Château du Clos Lucé en Touraine, regardant avec fierté et nostalgie sa carrière … repensant à sa mère qu’il adorait.
Et c’est LA rencontre, par étapes inédites, au cœur de cette exposition, avec sa mère Caterina esclave affranchie originaire d’Orient dont il reçut l’héritage culturel qui nous est proposée.
Un parcours olfactif
En six étapes sensorielles, les visiteurs sont immergés dans des époques et des lieux clés de la vie de Caterina et de Léonard, des marchés parfumés de Constantinople jusqu’à la cour de François Ier, en passant par les boutiques des Spezieri de Venise (marchands de drogues et autres préparations médicinales), la Toscane natale de Léonard, son atelier à Florence et la cour des Sforza à Milan.
Le long du parcours olfactif, nos sens sont plongés dans 28 senteurs d’antan recomposées par Givaudan à partir des recettes de l’artiste. Rodrigo Flores-Roux, Nadege Le Garlantezec, Shyamala Maisondieu et Calice Becker, nez du parfum J’Adore de Parfums Christian Dior, ont réinterprété les différentes senteurs qui donnent vie aux précieux objets, vêtements et tableaux présentés dans l’exposition.
Les visiteurs sont invités à sentir des odeurs végétales ou animales : des fleurs (rose de Damas, jasmin, violette, fleur d’oranger), des résines et des gommes (encens, myrrhe, benjoin, labdanum), des bois (camphre, aloès), et des matières premières animales (civette, musc).
Pour des raisons de protection des espèces et de bien-être animal (le chevrotain porte-musc est protégé depuis 1973), les odeurs de musc et de civette présentées dans l’exposition sont des reconstitutions olfactives de l’odeur de ces matières premières naturelles.
Certaines odeurs ont fait l’objet d’un travail de recherche particulier. Les odeurs de la Circassie, de Venise ou de la Toscane ont été imaginées par les parfumeurs de Givaudan à partir de leurs souvenirs éventuels, de la description des lieux présentés, de la végétation de ces régions et de leur climat.
Les parfums associés aux vêtements exposés ont de leur côté donné lieu à un travail de recherche spécifique pour retrouver, sélectionner et recomposer des recettes de parfums de la Renaissance. L’une d’entre elle a été tirée du « Notandissimi secreti de l’arte profumatoria » de Giovanventura Rosetti, prêt de la Bibliothèque Sainte-Geneviève de Paris, présenté dans l’exposition.
Une immersion dans un autre temps pour le plaisir des sens.