Par Isabelle SADOUX
Le Musée International de la Parfumerie de Grasse invite à une nouvelle exploration estivale et sensorielle. L’exposition Mondes Sensibles, une histoire sensorielle de l’œuvre d’art totale, offre la possibilité inédite de relire l’histoire de l’art, et particulièrement le concept d’art total, à travers la mobilisation de tous les sens.
L’art total (Gesamtkunstwerk) se caractérise par l’utilisation simultanée de plusieurs disciplines artistiques, avec une portée multi-sensorielle, symbolique, philosophique et métaphysique. Ce mouvement, né au XIXe, rêve de transformer la société par l’art.
Le concept d’un art total est né d’un romantisme faisant appel à la sensibilité et au symbolisme. Au fil du temps, cette notion a évolué et s’est adaptée aux préoccupations contemporaines des artistes qui se la sont appropriée, de l’ère l’industrielle jusqu’à nos jours. Bien que mouvante et adaptable, l’oeuvre d’art totale n’a jamais oublié ses principes fondamentaux, qui sont ceux de faire fusionner les différents champs créatifs pour former “un tout”. L’art est partout, pour tous. Et les sens sont sollicités. Comme ici l’olfaction via des odeurs et créations subtiles.
Car l’invisibilité des odeurs, au service de l’œuvre d’art totale, accentue l’absence de limites de celle-ci. Lorsque l’œuvre est olfactive, elle peut envahir l’espace de l’exposition, pénétrer dans le nez des spectateurs qui déambulent.
Pratique ancrée dans la création contemporaine, trois jeunes artistes français, proposent de pénétrer dans de singuliers mondes sensibles où tous les sens sont mobilisés.
Tiphaine Calmettes s’intéresse au « rapport que nous entretenons avec notre environnement. Elle envisage le processus de création comme un organisme vivant, en relation directe avec les espaces qui l’accueillent, les êtres qui le rencontrent, et vice-versa. » Son œuvre a été récompensé en 2020 par l’attribution du prix Aware pour l’art contemporain.
Camille Correas présente un univers des plus « débridé » et sensuel, qui s’affranchit des frontières entre réel et imaginaire. La jeune artiste voue une passion pour la science-fiction « heroïc fantasy », pratique l’hypnose, s’intéresse aux sciences occultes (magie, divination…) ne craint aucuns des excès orgiaques qu’entraînent une plongée dans l’inconscient.
Florian Mermin dont « les sculptures empruntent à l’esthétique de l’hybride et du fantastique pour établir une dialectique entre l’objet et l’humain, le réel et l’imaginaire, l’animé et l’inanimé. Doté d’une grande sensibilité, à l’écoute de ses rêves, fantasmes et cauchemars, l’artiste fait de la réalité un scénario dans lequel le public affronte ses peurs et réajuste ses croyances. »
Cette mobilisation sensorielle ne date pas d’aujourd’hui. L’exposition le démontre en proposant de remonter jusqu’au début du XXe siècle par l’archive. Classique, celle-ci présente images et documents, mais surtout, des recréations olfactives d’œuvres ayant marqué l’histoire de l’art.
D’Alexandre Scriabine à Jean-Pierre Bertrand en passant par Valentine de Saint-Point, Carolee Schneemann, Lygia Clark, Joseph Beuys et Bill Viola l’exposition Mondes Sensibles, une histoire sensorielle de l’art total nous invite à repenser la manière dont l’histoire de l’art s’écrit et se conserve.
Musée International de la Parfumerie – Grasse