Par Isabelle Sadoux
Les années 1920 sont une période de transformation sociale et culturelle créative. Cet esprit novateur envahit aussi le monde de la parfumerie. Il y a cent ans, l’industrie des parfums connaît une révolution significative, marquée par des changements dans les compositions, les flacons et les tendances olfactives.
L’une des caractéristiques distinctives des parfums des années 1920 est l’utilisation audacieuse de notes florales telles que le jasmin, la rose et le muguet. Ces ingrédients sont souvent associés à des accords orientaux riches, créant des parfums sensuels et opulents à l’image de l’esprit de l’époque.
Un parfum emblématique de cette période est Chanel No. 5, lancé en 1921 par Gabrielle « Coco » Chanel. Créé par le célèbre parfumeur Ernest Beaux, ce parfum révolutionne l’industrie en introduisant des notes abstraites comme l’aldéhyde, offrant une fragrance moderne et énigmatique.
Les flacons de parfum évoluent également dans les années 1920. Les designers accordent une attention particulière à l’esthétique des bouteilles, les transformant en œuvres d’art élégantes. Les formes géométriques, les lignes épurées et les détails sophistiqués sont caractéristiques des flacons de parfum de cette époque.
L’esprit de la libération féminine influence aussi les parfums des années 1920. Les femmes cherchent des fragrances affirmées et indépendantes. Les parfums chyprés, caractérisés par des notes de bergamote, de patchouli et de chêne, gagnent en popularité, symbolisant l’émancipation et la modernité.
Cette période jette les bases de l’industrie moderne des parfums, influençant durablement la manière dont nous percevons et choisissons nos fragrances aujourd’hui.
En 1924, l’industrie de la parfumerie est en pleine effervescence, marquée par des innovations techniques qui contribuent à redéfinir l’art de la création de parfums. Au cœur de cette vague innovante, François Coty, le père de la parfumerie moderne…
Quelques avancées notables
L’extraction améliorée des ingrédients : les années 1920 voient des progrès significatifs dans les techniques d’extraction des matières premières. L’utilisation d’absolus et d’extraits naturels, obtenus par des méthodes d’extraction sophistiquées, a permis aux parfumeurs d’explorer une palette plus large de notes olfactives.
La synthèse des composants : les progrès dans la chimie organique ouvrent la voie à la synthèse de composants aromatiques. Cette innovation a permis aux parfumeurs de créer des notes uniques qui n’étaient pas disponibles dans la nature. Les aldéhydes sont synthétisés pour la première fois à cette époque.
La standardisation des formules : l’établissement de formules standardisées est une innovation clé. Les parfumeurs ont commencé à documenter et à reproduire précisément les proportions des ingrédients pour assurer une cohérence dans la qualité et le caractère des parfums.
L’introduction de nouvelles techniques de distillation : les méthodes de distillation sont améliorées, notamment avec l’utilisation de l’extraction au CO2 supercritique. Cette technique a permis une extraction plus précise des notes fragrantes, préservant mieux la complexité des ingrédients.
L’évolution des flacons pulvérisateurs : les vaporisateurs de parfum commencent à gagner en popularité dans les années 1920, offrant une méthode d’application plus précise et élégante. Cela a révolutionné l’expérience d’application du parfum et a également contribué à la conservation optimale des fragrances.
Le contrôle de la qualité est accru : les maisons de parfums mettent en place des normes rigoureuses pour garantir la pureté des ingrédients et la constance des parfums, renforçant ainsi la confiance des consommateurs.
En 1924, ces innovations techniques ouvrent de nouvelles perspectives pour les parfumeurs, les incitant à explorer des territoires olfactifs inexplorés et à créer des compositions plus complexes. Ces avancées ont laissé un héritage durable, contribuant à la modernisation de l’industrie de la parfumerie et à l’évolution de l’art de la création de parfums.
Effluve des Années folles
Le beau artistique et l’abstraction entrent état de grâce. Ces changements garantissent le succès pérenne de nombreuses créations, symboles d’un certain âge d’or pour la parfumerie française. Exemples avec
Le Tabac blond, de Caron est une évocation sublimée du tabac de Virginie, qui séduit les femmes désireuses de fumer autre chose que le tabac brun et âcre des hommes. Sans fleur, cette métaphore olfactive mystérieuse ; peu abstraite grâce aux matières et bases de synthèse est signée Ernest Daltroff qui s’éloigne des normes académiques. Le Tabac blond inaugure véritablement la famille des cuirés.
Habanita de Molinard, créé en 1921 est commercialisé en tant que parfum de peau à partir de 1924. Il avait tout d’abord été proposé sous forme de parfum à cigarettes – afin d’atténuer les odeurs de tabac.
Au sein de la maison Guerlain, le début des années 1920 est marqué par Eau de fleurs de cédrat (1920), Candide Effluve (1922), Bouquet de faunes (1922), Guerlinade (1924) et A travers Champs (1924).
Jeanne Lanvin quant à elle signe en 1924 ses deux premiers parfums Niv Nal et LaJea en collaboration avec son frère Gabriel et René Duval. Ces deux noms sont originaux : le premier est le nom de Lanvin à l’envers et le second se compose des deux premières lettres de Lanvin et des trois premières de Jeanne.