Par Lionel Paillès
Le 16e prix du Phénix (ex-prix François Coty) a été décerné le 16 octobre à celles et ceux qui font rayonner la parfumerie créative.
La cérémonie était accueillie pour la première fois par la ville de Grasse, 4 ans jour pour jour après l’annonce officielle de l’inscription des savoir-faire liés au Parfum au patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO. Cette convergence des calendriers ne pouvait qu’augurer du meilleur.
Écrin rêvé pour célébrer le bon goût et la parfumerie d’auteur, la Bastide Saint-Antoine, temple de créativité culinaire, avait mis les petits plats dans les grands. La vénérable maison provençale du XVIIème siècle, baignée dans une oliveraie de 10 hectares, accueillait 120 invités représentant toute l’industrie du parfum. Le chef Jacques Chibois avait bien entendu concocté le menu de fête.
Le jury composé de Delphine Jelk (Guerlain), Emilie Coppermann (Symrise), Shyamala Maisondieu (Givaudan), Maurice Roucel (Symrise), Dominique Ropion (IFF), et présidé par Michel Almairac (Robertet), avait à cœur de récompenser des talents au style et à l’approche extrêmement différents.
Cette année, le prix du Phénix récompense Quentin Bisch (Givaudan), parfumeur au style minimaliste qui semble aussi à l’aise lorsqu’il signe des parfums d’auteur (Encelade Marc-Antoine Barrois) que des blockbusters (Scandal Pour Homme Jean-Paul Gaultier). Le parfumeur avait choisi de présenter l’Eau Sage, parfum faussement ingénu à la formule courte et directe.
Le Prix International du Phénix récompense Jérôme Epinette, parfumeur français expatrié à New-York où il fait rayonner la parfumerie française. Celui signe les parfums Byredo avait d’ailleurs choisi de présenter au jury Vanille Antique de Byredo.
Moment très émouvant pour la remise du prix suivant. Celle qui l’a reçu fut longtemps professeure à l’ISIPCA et donc à ce titre elle a formé une génération de parfumeurs, à commencer par Mathilde Laurent (Cartier) et Francis Kurkdjian (Dior).
Parfumeuse indépendante depuis les années 80, Isabelle Doyen, qui partage son atelier de création avec Camille Goutal après avoir accompagné sa mère Annick, a reçu le prix d’Honneur pour sa parfumerie sensible et inventive, entre respect des codes et audaces bien dosées. Elle avait choisi de présenter au jury L’eau des Immortels, parfum de la marque Voyages Imaginaires qu’elle a fondée avec Camille Goutal.
Surprise de la soirée dont Véronique Spoturno-Coty a le secret, un “prix spécial du Phénix” a été décerné à une entité qui œuvre à promouvoir le parfum dans toute historicité.
Un indice, déjà : il faut chercher le récipiendaire du côté de Versailles.
Ce prix aussi original qu’inattendu revient à l’Osmothèque de Versailles, institution culturelle unique au monde représentée par Anne-Cécile Pouant et Thomas Fontaine, qui se consacre depuis 35 ans à préserver, valoriser et transmettre aux nouvelles générations le patrimoine olfactif de la parfumerie.
Tous ces prix ont d’abord valeur d’encouragement pour des parfumeurs qui œuvrent avec toujours plus de contraintes.
Finalement, le grand gagnant de la soirée est l’art du parfum en général et celles et ceux qui le perpétuent.
Depuis 2000, ce prix prestigieux récompense des parfumeurs-créateurs qui se distinguent par leur vision singulière, entre créativité, technicité et modernité. Après avoir relancé ce prix créé par son grand-père qu’elle a porté au plus haut, Véronique Spoturno-Coty devrait le laisser entre de bonnes mains pour se consacrer entièrement à sa marque de parfum. Cette passionnée annoncera ces prochains jours, quelle institution devrait prendre les rênes du prix du Phénix pour les prochaines décennies.