Fille de médecins, Marie Salamagne a entamé des études de chimie, mais sa passion pour le parfum et sa fibre artistique naturelle l’ont rapidement amenée à intégrer l’ISIPCA. Un parcours à la fois classique et atypique qui a fait d’elle l’un des nez les plus talentueux de Firmenich. Rencontre avec une créatrice en quête d’inattendu, aussi à l’aise sur la niche (Margiela, L’Artisan Parfumeur, Atelier des Ors…) que sur de grandes créations prestiges pour Paco Rabanne, YSL, Gucci, Mugler, Issey Miyake ou Carolina Herrera.
Marie, comment et pourquoi êtes-vous devenue parfumeur ?
J’ai toujours été fascinée par le pouvoir des odeurs. Lors de mes études de chimie, je me suis rendue compte qu’il me manquait une dimension artistique. C’est pourquoi j’ai intégré l’ISIPCA, avec une alternance chez Charabot.
En 2000, Firmenich cherchait un élève parfumeur à Genève : j’ai débuté ma formation de parfumeur en travaillant dans différents domaines (skincare, bodycare).
Deux ans plus tard, je suis partie aux États-Unis afin de compléter mon apprentissage, à Princeton dans un premier temps, puis à New York.
De retour à Paris en 2005, j’ai eu la chance d’être nommée Parfumeur auprès d’Olivier Cresp, avec lequel j’ai beaucoup appris. En 2007, j’ai gagné mon premier brief en Fine avec Aqua Allegoria Mandarine Basilic pour Guerlain.
Le parfum requiert un apprentissage long, mais j’ai toujours su que je voulais être parfumeur et je n’aurais pu faire aucun autre métier dans la parfumerie.
Quels parfumeurs vous ont-ils influencée ?
À l’ISIPCA, j’ai fait mes premiers pas aux côtés d’Anne Flipo qui m’a guidée dans l’apprentissage des matières premières. Puis à New York, j’ai pu travailler étroitement avec Harry Frémont.
Le mentor auprès duquel j’ai passé la grande majorité de mon apprentissage était Olivier Cresp, lorsque j’ai rejoint le centre parisien de création de Firmenich. C’est une personne de grande valeur qui transmet son savoir avec générosité. Il aime les formules courtes, les idées fortes, et respecte toujours la vision du parfumeur avec lequel il travaille.
Quelles sont vos sources d’inspiration ?
Certainement les matières premières naturelles et les captifs créés par notre propre maison, une exclusivité Firmenich. Ils nous permettent d’explorer de nouvelles écritures, réinventer les classiques.
Les voyages et les expériences de vie, tous les moments qui nous procurent des émotions sont souvent les points de départ de mes formules.
La gastronomie m’inspire aussi, le goût est très important pour moi.
Avez-vous une matière première de prédilection et comment l’utilisez-vous ?
Je suis une fan inconditionnelle du patchouli, mais ce n’est pas pour autant que je l’utilise partout!
J’aime aussi la pétillance d’une bergamote, la douceur d’une fleur d’oranger, les muscs et l’ambroxan, une matière première extrêmement addictive, musquée, boisée, presque animale. Elle possède une tonalité addictive sans être gourmande, séduit sans être genrée.
Parmi vos dernières créations, quelles sont celles qui vous ont le plus marquée ?
La plus récente est l’expérience Paco Rabanne pour le parfum Fame, réalisé avec Dora Baghriche, Alberto Morillas et Fabrice Pellegrin. Une création audacieuse autour d’un encens ultramoderne.
Cette période a été très enrichissante grâce à la complémentarité de nos idées, de nos visions et de nos convictions… Une vraie aventure humaine.
Une autre création que j’affectionne particulièrement est Soie Malaquais de Dries Van Noten. L’inspiration m’est venue en découvrant une de leurs collections dans la boutique parisienne sur le quai Malaquais. Puis j’ai eu la chance de rencontrer Dries qui nous a accueillis chez lui, dans ses ateliers et son jardin ; cet amoureux de la nature et de la botanique nous a fait vivre une expérience inoubliable.
Soie Malaquais, Dries Van Noten Fame, Paco Rabanne
Enfin, Highland Heather, dans la Brit Collection de Jo Malone, lancée en mai. Ce parfum mêle des notes vertes croquantes, végétal et minéral à la fois, qui rappelle l’air frais d’Ecosse.
Comment voyez-vous le secteur du parfum dans 10 ans ?
Notre industrie est en perpétuelle évolution. Aujourd’hui, les clients nous demandent de plus en plus d’être respectueux de l’environnement et de la nature. J’ai la chance de travailler avec de nombreux chercheurs qui enrichissent notre palette et nous permettent d’utiliser des molécules vertueuses.
Ce qui était anecdotique il y a quelques années devient incontournable : un parfum responsable. Firmenich a développé EcoScent, un outil numérique qui nous permet notamment d’évaluer l’impact carbone de chaque matière utilisée dans nos formules.
Avez-vous d’autres passions en dehors du parfum ?
Le parfum peut vite être une obsession et occupe une grande place dans ma vie…
J’aime m’évader et voyager aussi souvent que possible (la Namibie cet été).
Les moments en famille ou entre amis autour d’une table comblent mon côté épicurien !