Valoriser les différents talents de la filière Parfum passe aussi par la transmission et la formation de nouvelles technologies. Prise de parole d’un homme tout terrain ….
Par Marie Bénédicte Gauthier
1 . On vous connait en tant que Président de Prodarom qui défend les intérêts des acteurs de l’industrie, moins sur son rôle au sein de l’ASFO, crée en 1972. Pouvez-vous nous en parler ?
Oui, j’ai l’honneur et le plaisir de Présider aussi l’ASFO-Grasse, un centre de formation aux métiers de la filière de la Parfumerie. Cette association loi 1901 a vu le jour en octobre 1972, sous l’égide de membres du syndicat Prodarom. Il fallait assurer la formation continue des salariés de la branche, conformément en particulier à la loi du 1% patronal ! Depuis lors, ASFO- Grasse a développé un ensemble de formations intégrant l’alternance dans les années 90, l’international à partir de 2002 et l’apprentissage depuis décembre 2020.
Il est à noter que nous sommes doublement certifiés Qualiopi, ce qui atteste de la qualité du processus mis en œuvre par les prestataires d’actions concourant au développement des compétences (PAC) et qui souhaitent accéder à des fonds publics ou mutualisés.
2. Cela a pour vocation de former des salariés du secteur de la parfumerie et donc de protéger des filières ?
Chaque année, nous recevons à Grasse ou dans nos filières internationales, plus de 1600 stagiaires en formation continue. Certains pour des durées courtes, 1 à 4 jours, d’autres pour des périodes de 3 mois à 2 ans.
C’est depuis 1982 que nous avons installé à la Villa Margherite nos laboratoires, salles de cours et bureaux. En tant que syndicat national, nous avions un bureau à Paris, rue du Faubourg St Honoré, dont la vente nous a permis d’acquérir à Grasse un ancien hôtel, l’hôtel Napoléon, transformé en habitat pour les étudiants étrangers qui suivent le cursus de 18 mois.
3. Quels sont les métiers qui pourraient connaître des difficultés dans les années à venir ? Comment les aider ?
On peut observer une certaine difficulté de recrutement pour certains métiers de production, principalement ceux d’opérateurs de fabrication, de magasiniers, de préparateurs arômes et cosmétique. Il est de notre ressort de mener des actions pour attirer à nouveau les jeunes dans ces métiers, qu’ils puissent s’y épanouir ! L’imaginaire du parfum attire beaucoup de monde, certes, mais certaines fonctions attirent un peu moins. Redonnons-leur plus d’attirance. A cet effet, le conseil départemental nous permet de présenter les différents métiers de la filière au sein des collèges et lycées de la région. Il est à noter que les élèves manifestent beaucoup d’intérêt. Et les professeurs presque autant, sinon plus !
4. Voyez-vous des métiers du parfum émerger, des métiers du futur, liés par exemple à la RSE ? D’autres, plus ou moins oubliés qui reviennent ?
Oui tout à fait. La RSE est une problématique que nous traitons depuis de longues années … On parle ici, non pas du futur, mais du présent. De multiples actions sont engagées, avec des démarches qui visent à réduire les utilisations d’eau et d’énergie, qui travaillent sur la valorisation des sous- produits (upcycling), la réduction des déchets, la chimie verte. Les formations dédiées à ces thématiques ont de plus en plus de succès. Au niveau de l’ASFO nos formations sont toutes délivrées par des professionnels en activité, concernés par ces problématiques.
5. Vous proposez au sein de cette école différents modules, courts ou longs, certains étant même éligibles au CPF. En quoi vous différenciez-vous d’autres écoles comme l’Isipca ?
L’ASFO Grasse est un centre de formation professionnel ; l’ISIPCA est un Institut, une école, fondée à Versailles par Jean-Jacques Guerlain en 1970. Elle a depuis quelques années un partenariat avec l’Université de Nice, et depuis le 14 Mars 2023 créé une formation commerciale au sein de Grasse Campus. L’École Supérieure du Parfum a aussi son antenne à Grasse. Depuis la reconnaissance au patrimoine mondial immatériel de l’Unesco des savoir-faire liés au Parfum en Pays de Grasse en 2018, la ville attire et soutient l’installation de formations favorisant la transmission de l’ensemble des savoirs, qu’ils soient techniques, scientifiques, RSE ou culturels.
étrangers qui suivent le cursus de 18 mois
6. Vous avez aussi des formations dédiées pour les étrangers désireux d’intégrer les filiales du parfum ?
Oui, le « Grasse Institute of Perfumery », avec une formation de 18 mois, qui permet de recevoir chaque année 12 étudiants triés sur le volet sur des centaines de prétendants. Les étudiants viennent en majorité d’Europe, de la Chine, du Japon, de Corée, d’Inde, des USA et du Canada, de l’Amérique du Sud, du Moyen-Orient, sélectionnés dans ces différentes régions à travers un processus d’examens/tests et interviews se déroulant souvent au sein de nos écoles et antennes, à New-York, Shanghai, Séoul, Dubaï et bientôt en Colombie. La plupart des candidats ont suivi des études supérieures et ont souvent déjà occupé une activité professionnelle, désirant accéder à d’autres métiers : évaluateurs, parfumeurs etc. Enfin, certains désirent se former pour rejoindre une entreprise familiale dans leur pays. Il y a deux ans nous avons signé un partenariat avec EWHA University de Séoul, l’une des plus importantes universités en Corée, université féminine créée en 1886.
7. Vous semblez vous-même très passionné …
J’ai évolué dans ce métier, après avoir suivi en particulier pendant 3 ans une formation au sein de la Société Roure Bertrand fils et Justin Dupont (aujourd’hui Givaudan), dans les différents départements de production de l’usine, ainsi qu’à l’école créée en 1946 par Jean Carles, où ont pu être formés de très nombreux parfumeurs parmi les plus connus et reconnus.
J’ai aujourd’hui à cœur de favoriser la transmission d’un ensemble de savoir-faire, pour favoriser l’accès à des métiers fabuleux au sein d’une si belle industrie … Nous sommes dans une période de transition, une ère d’éco-conscience nécessaire qui laisse toute la place à la créativité. A Grasse, le parfum reste essentiel !