Par Isabelle Sadoux
Cette exposition anniversaire salue la première collection d’Yves Saint Laurent présentée sous son propre nom lancée le 29 janvier 1962. C’est l’occasion de revenir sur le parcours du couturier génie visionnaire et provocateur « mis au service des femmes » et de redécouvrir cette couleur magique, fruit du soleil, au fil des créations et souvenirs du couturier légendaire… y compris en parfumerie.
De l’audace avant tout
En 1964, Yves Saint-Laurent lance son premier parfum, deux ans après l’ouverture de sa maison de couture. Il a 28 ans.
Simplement nommé Y, son jus est signé Michel Hy. Il sera suivi par Eau Libre, Kouros, Paris… qui défrayeront la chronique.
En 1971, c’est au tour de Rive gauche qui selon son slogan « n’est pas un parfum pour les femmes effacées ». La même année le couturier fait un coup d’éclat pour le lancement de sa première eau de toilette pour homme. Il ose poser nu devant l’objectif de Jean Loup Sieff, devenant sa propre égérie pour ce premier masculin.
En 1977 il rêve d’un parfum pour l’impératrice de Chine : riche, oriental et exotique. Jean-Louis Sieuzac compose un jus très opulent : girofle, jasmin bergamote, coriandre, santal, cannelle, ambre, benjoin poivre de Sichuan, iris, patchouli, rose, myrrhe, opoponax, baume de Tolu, vanille, encens, cèdre… L’écrin est confié à Pierre Dinand par le couturier qui lui raconte une hallucination vécue sous ectasy : des feuilles rouges sur fond or. Le designer s’en inspire en évoquant des petites boîtes en laque, portées à la ceinture par les samouraïs y conservant leurs boulettes d’opium appelées les inros. Ce flacon donne son nom au parfum : Opium, le parfum « pour celles qui s’adonnent à Yves Saint Laurent » dont le nom provocateur et controversé n’est pas étranger à son succès. Le parfum est rapidement en rupture de stock et constitue l’un des plus grands succès commerciaux de la maison Yves Saint Laurent. Il fait toujours partie des parfums les plus vendus en France. Il a inspiré de nombreuses autres fragrances de la même famille, les fleuris-orientaux, très à la mode dans les années 1980 : Obsession de Calvin Klein, Poison de Dior, Samsara de Guerlain…
Le lancement du parfum se fait à Paris et s’inscrit dans le prolongement esthétique de la collection inspirée par la Chine. Mais c’est la fête mémorable organisée à New York l’année suivante sur le bateau Peking qui a marqué les esprits.
En 1991, YSL lance Champagne « pour les femmes heureuses, légères et qui pétillent » composé par Sophia Grosjman : le jus est fruité, vif et épicé, avec des notes florales et gourmandes en finale. Mais l’appellation est éphémère à l’époque : suite à une procédure judiciaire engagée par le Comité interprofessionnel du vin de Champagne, il est rebaptisé Yves Saint Laurent puis Yvresse en 1996.
L’or est roi, élément phare de l’œuvre du couturier.
Dès la première salle de l’exposition, ce sont ces flacons Champagne qui sont présentés ici, entourés d’accessoires et bijoux tous aussi clinquants les uns que les autres.
Plongé dans le noir, le regard se laisse guider par l’éclat de l’or à travers les boutons bijoux d’un caban réalisé en 1962, mais aussi des robes entièrement brodées de sequins, les superbes bijoux-corps en cuivre doré créés pour le styliste par la sculptrice Claude Lalanne ou encore ces étincelantes et grandes sculptures murales en argile et or de l’artiste belge Johan Creten.
Bijoux par Claude Lalanne Bijoux par Claude Lalanne Robe brodée de sequins
D’un espace à l’autre du musée, sur fond noir aux lumières tamisées, les tenues dorées, en strass et autres perles brillantes se succèdent en un défilé chatoyant.
Le parcours s’articule autour de cinq thématiques : de l’univers baroque d’Yves Saint Laurent qui emprunte à l’apparat des monarques pour donner le pouvoir aux femmes, aux années festives des Seventies avec des robes de lumière pour aller danser, en passant par les pièces le plus éblouissantes, comme la robe-bijou de l’automne-hiver 1966 entièrement couverte de paillettes or avec ceinture et collier de pierres incrustées en trompe-l’œil.
Rendez-vous 5 avenue Marceau jusqu’au 14 mai 2023, où Yves Saint Laurent installa sa maison de couture à partir de 1974, et qui héberge son musée depuis 2017.