Nez à nez avec Clara Feder et Michel Gutsatz, du Jardin Retrouvé

Créée en 1975 dans un esprit pionnier, Le Jardin Retrouvé est une Maison de Haute Parfumerie indépendante, artisanale et familiale. En 2016, onze ans après le décès de son fondateur, Yuri Gutsatz, son fils Michel reste le seul héritier d’une tradition initiée au début du XXème siècle. Il décide alors de relancer la marque avec sa femme Clara Feder, artiste multimedia et écrivaine.

Le Jardin Retrouvé est une histoire d’avant-garde et de transmission, mais aussi une histoire de famille et de couples.

Pouvez-vous nous rappeler l’histoire de Yuri Gutsatz, parfumeur-créateur renommé ?

Michel : Mon père est né à Saint-Petersbourg en 1914, dans une famille d’éditeurs. Il était destiné à être poète, mais il est tombé amoureux du parfum à son arrivée en France en 1933. Après des débuts aux Parfums de Mury à l’âge de 20 ans en tant que laborantin, il a travaillé chez Roure-Bertrand Fils et Justin Dupont avec Louis Amic, dont il devient le bras droit en 1945. Yuri a passé l’essentiel de sa carrière à Paris, et quelques années à Bombay pour créer une usine de fabrication d’ingrédients pour Roure. D’ailleurs, nous utilisons toujours ces mêmes ingrédients, santal, jasmin, tubéreuse, poivre… car nous avons gardé des liens forts avec les familles indiennes qui les cultivent.

Clara : Longtemps vice-président de la Société Française des Parfumeurs, Yuri a fait partie des professionnels qui ont construit la parfumerie d’aujourd’hui, notamment la parfumerie de niche. Visionnaire, il avait déjà imaginé une Maison de la Parfumerie, qui allait devenir l’Osmothèque en 1990.

Comment Yuri a-t-il décidé de créer Le Jardin Retrouvé ?

Michel : Il était très attaché à la liberté de création du parfumeur et rejetait les diktats du marketing. Alors en 1975, il devient le premier parfumeur à fonder sa propre maison de composition avec ma mère, Arlette. Lui compose les parfums, et elle, diplômée des Beaux-Arts de Marseille, les met en scène et s’occupe de les commercialiser. Joli hasard, c’est dans une ruelle du XVIème arrondissement appelée Cour Jasmin, qu’ils s’installent : le showroom au rez-de-chaussée, leur appartement au-dessus, et au dernier étage, le laboratoire. 

À l’époque, Le Jardin Retrouvé crée non seulement des parfums, mais aussi des shampooings, des huiles de beauté, des gommages, des bougies… La marque était considérée comme avant-gardiste et elle a séduit dans les années 70 Barney’s aux USA puis Izetan au Japon. 

D’où vient ce nom de « Jardin Retrouvé » ?

Clara : Après avoir beaucoup voyagé, en Allemagne, en France, en Algérie, en Inde, Yuri a choisi Paris pour créer Le Jardin Retrouvé. Son propre jardin ! Comme dit le jardinier, voyageur et écrivain Gilles Clément, c’est le lieu « de l’homme ayant choisi de faire cesser l’errance ».

« Jardin », parce que c’est l’endroit qui protège, clos et fleuri, qui nous procure la paix, où il y a des sons, des odeurs et de la beauté. Et « retrouvé », car les souvenirs de lieux, de personnes aimées, de moments, y affluent. C’est un lieu de mémoire aussi. Nous avons reconstruit la marque de telle sorte que chaque parfum a le nom d’un jardin, et que chaque jardin a son histoire.

Qu’est-ce qui vous a amenés à reprendre la marque ?

Michel : Lorsque Yuri s’est éteint en 2005 à 91 ans, Arlette a continué de travailler, épaulée par ses enfants. Elle a disparu en 2012, ainsi que mes deux frères peu de temps après. J’étais alors écrivain et professeur de marketing en écoles de commerce, et je me suis beaucoup interrogé sur cet héritage et son devenir : Les parfums sont-ils toujours d’actualité ? Comment réveiller cette marque ? J’ai demandé conseil à des journalistes, des bloggeurs et des spécialistes du parfum, pour avoir une vision plus claire et faire mon choix.

Clara : Et c’est ainsi qu’en 2016, Michel et moi avons décidé de changer de vie et de relancer Le Jardin Retrouvé. L’histoire de couple continue ! Nous avons dû beaucoup apprendre sur l’industrie et le marché du parfum, les normes IFRA, etc. Nous avons eu la chance de rencontrer le parfumeur Maxence Moutte un peu avant. Il nous a rejoints pour recréer les formules de Yuri en restant au plus près de leur composition originale, mais en les transposant au XXIème siècle, avec ses technologies… et ses contraintes ! Grâce à cette rencontre, les parfums ont pu revivre et une amitié est née.

Quelles sont les valeurs du Jardin Retrouvé ?

Michel : Les matières premières que nous utilisons sont de grande qualité, nous sourçons nos ingrédients nous-mêmes grâce à l’héritage du travail de Yuri, en Inde et en France. Nous privilégions les partenariats directs avec les producteurs dès que nous le pouvons. Avec le développement de la marque et sur les conseils de notre parfumeur Maxence Moutte, nous nous sommes rapprochés de Givaudan pour créer nos prochaines fragrances.

Tous nos parfums sont conformes au cahier des charges Clean Beauty. Maxence a adapté les formules de Yuri en remplaçant des ingrédients de la Credo Dirty List®, qui étaient nocifs soit pour la planète, soit pour la santé… 

Clara : Pour Sandalwood Sacré, nous avons effectué 17 essais avant d’arriver à mon parfum préféré !

Notre challenge était de conserver la même beauté olfactive qui a fait la réputation du Jardin Retrouvé, en restant fidèle à l’héritage de notre fondateur. La transparence de l’information sur nos produits et sur notre démarche écoresponsable est essentielle pour nous et pour notre clientèle. Ce sont les valeurs de cette marque 100 % française. Seul notre verrier est basé à Taïwan.

Quels sont vos principaux marchés ?

La Chine est un très grand marché pour nous, avec quelques points de vente, mais également beaucoup de e-commerce. Dans le reste du monde, nous sommes vendus dans environ 25 points de vente en Australie, USA, Suisse, Italie… et dans notre showroom parisien, situé 35 rue de la Faisanderie dans le XVIè arrondissement de Paris (sur prise de rendez-vous uniquement).

Quels sont vos enjeux et vos axes de développement ? 

Michel : Rester fidèle à notre histoire mais aussi au consommateur ! 

Pour faire sentir et connaître nos parfums, nous proposons des échantillons remboursables lors de l’achat d’un parfum. Et nous étions pionniers dans l’invention du flacon de parfum rechargeable dès 2016, avec notre Re:Source.

La pandémie du Covid-19 a créé un boom du Home Fragrance, alors nous avons suivi les traces du passé qui correspondent au marché en lançant un nouveau produit en 2021 : le diffuseur, sous forme de tige parfumante, disponible dans cinq de nos parfums. 

Puis nous avons développé des soins pour la peau, par plaisir d’étendre la gamme en replongeant dans l’histoire de la marque. Tubéreuse Trianon est notre best-seller : nous l’avons donc déclinée en crème de gommage et en lait hydratant pour le corps (à 99% d’origine naturelle, avec des enzymes de fruits et de l’extrait de jasmin). Utiliser un soin pour le corps et porter le parfum qui va avec permettent de prolonger la senteur sur la peau. 

Pouvez-vous nous en dire plus sur votre partenariat avec la start-up Sorga ? 

Clara : Ce partenariat a été lancé en 2022 pour rassurer le consommateur grâce à la structure inaliénable de la blockchain. Cela permet de garantir l’authentification digitale de nos produits (pas de fraude possible !) et leur propriété (transférable pour en faire un cadeau). Chaque produit du Jardin retrouvé a un numéro unique et un Code QR, ce qui permet à l’acheteur de se sentir lui aussi unique. Il a accès, en toute transparence, aux informations sur son produit parfumé (ingrédients, provenance, certificat de propriété, mode de production, recyclabilité…). 

De notre côté, nous avons accès au consommateur via une plateforme de communication entre la marque et le client final. Celui-ci peut nous poser des questions directement ou commander une recharge pour son parfum par exemple.

Cette authentification repose sur la technologie de la start-up française Sorga, avec une blockchain basse consommation, et nous sommes fiers d’être la première Maison de parfums à en disposer.

https://lejardinretrouve.com/

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