Premier spa de luxe parisien au XIXème siècle, puis boîte de nuit légendaire dans les années 70, les Bains Guerbois sont devenus un hôtel 5 étoiles en 2015. Et depuis 2016, l’héritier des lieux, Jean-Pierre Marois, s’applique à ressusciter leur vocation première en proposant des fragrances qui racontent leur histoire.
Pouvez-vous nous rappeler l’histoire des Bains Guerbois ?
Les Bains Guerbois, créés par François Auguste Guerbois, ouvrent en 1885 au 7 rue du Bourg-L’Abbé, dans le IIIème arrondissement de Paris. Ce lieu avant-gardiste a été conçu sur trois étages par l’architecte Eugène Ewald, également auteur de l’immeuble de la préfecture de Paris. Il abrite les plus célèbres thermes privés de la capitale, un spa et un salon de coiffure. La famille Guerbois possédait aussi un café aux Batignolles, devenu le repère des artistes et des intellectuels de l’époque comme Zola, Monet, Manet ou Proust.
Dans les années 1970, une page se tourne avec le rachat de ce lieu historique par mon père. La réouverture se fait en 1978 avec l’aide de l’architecte Philippe Starck : c’est la naissance de la célèbre boîte de nuit Les Bains Douches, d’un restaurant et d’une salle de concert rock où de nombreux artistes jouent jusqu’en 1984. En 2015, nouvelle révolution : les Bains Guerbois se transforment en Hôtel & Spa 5 étoiles avec bar, restaurant, piscine et club. Quelques chambres ont aujourd’hui leur hammam privé et une douche extérieure sur la terrasse.
Qu’est-ce qui vous a amené à décliner les Bains Guerbois en parfum ?
C’est mon passé de producteur de cinéma : je voulais raconter la jolie histoire de ce lieu plus que centenaire, sans cesse réinventé au fil du temps. L’idée d’une identité olfactive exclusive me semblait une évidence pour transmettre le passé et le faire perdurer. Nous nous sommes rapprochés de Dorothée Piot, parfumeur chez Robertet, pour créer notre bougie Atmosphère. Ce parfum-signature, inspiré des odeurs de spa et de hammam, embaume les couloirs et les salons de l’hôtel. Puis nous avons lancé notre première Eau de Cologne en 2015 avec Michel Almairac (Robertet).
Quelle est votre source d’inspiration dans la création de vos parfums ?
L’idée de départ, c’est « une date, une histoire ». Chacune de nos fragrances propose une date pour un voyage initiatique à travers les époques fondatrices du mythe des Bains Guerbois, qui dure depuis 135 ans. Nous avons envoyé un court texte, souvent inspiré du monde de l’Art, aux parfumeurs qui ont travaillé sur nos parfums. Ils avaient ensuite carte blanche pour la création.
C’est ainsi que Dorothée Piot a imaginé 1885 Bains Sulfureux, une fragrance poudrée, douce, musquée avec des accents aromatiques, pour évoquer le temple parisien du bien-être et de la beauté. Puis nous avons lancé 1978 Les Bains Douches, créé par Bertrand Duchaufour (Technicoflor), dont le pitch était : « alcool, sueur et cigarette », comme les boîtes de nuit à l’époque. Nous avons de nouveau travaillé avec Michel Almairac pour 2015 Le Phénix, un tourbillon de gingembre, de papyrus et d’encens qui marque la renaissance des Bains. Ce parfum a d’ailleurs remporté un Fifi Award en 2018, une grande fierté !
En quoi êtes-vous différent des autres parfums dits « de Niche » ?
Nous invitons le consommateur à un voyage dans le temps avec une narration précise et singulière. L’unité de lieu et les histoires racontées permettent de toucher l’imaginaire de chacun et nous avons réussi à le transformer en des parfums universels.
Par exemple, 1900 L’heure de Proust, créé par Jérôme Epinette (Robertet) dont les odeurs de fleurs, de fruits et de thé en font notre best-seller en Asie aujourd’hui.
Pouvez-vous nous expliquer le concept de la « Chambre des senteurs » ?
Nous l’avons inaugurée il y a quelques mois. Décorée par Tristan Auer et prolongée par une terrasse végétalisée qui surplombe les patios, La Chambre des Senteurs est un petit salon dédié aux sens, plus particulièrement aux senteurs. C’est une invitation à une immersion historique qui permet au visiteur de repartir avec un kit découverte des huit parfums de la marque. Une vraie transmission de l’héritage des Bains Guerbois avec une expérience olfactive sur-mesure.
Quel type de collaboration menez-vous avec les parfumeurs ? Ou d’autres créateurs ?
Nous avons initié le projet de parfum d’ambiance et de bougie avec Dorothée Piot car j’apprécie beaucoup son travail. Notre collaboration s’est renouvelée à deux reprises, avec 1885 Bains Sulfureux et 2013 Résidence d’artistes.
J’ai également souhaité inclure dans nos projets d’autres parfumeurs de différentes maisons de composition telles qu’IFF, Mane, TechnicoFlor… Avec chaque nez, la relation était inspirante et nous partagions un très bon feeling, c’est pour cela que la plupart d’entre eux ont créé plus d’un parfum pour notre marque.
Nous aimons aussi beaucoup travailler avec les designers. Par exemple Pierre Hardy, qui a dessiné pour les esthètes nomades une trousse de toilette, que les clients de l’hôtel retrouvent dans leur chambre avec quelques produits en format voyage. Nous leur proposons ainsi de profiter un maximum de notre hôtel autant que des odeurs qui l’accompagnent.
Jean-Pierre Marois, quels sont les futurs projets des Bains Guerbois ?
D’abord, continuer à grandir : nous avons trois points de vente à Paris, mais aussi à Bordeaux, Grenoble, Reims, Megève et Strasbourg, et dans une quinzaine de pays. Nous souhaitons maintenant développer nos ventes en ligne.
Ensuite, nous sommes ravis d’annoncer le lancement dans quelques jours d’une nouvelle collection qui s’appellera « Formes et matières », avec deux eaux de parfum. Et enfin, nous espérons gagner un prix aux prochains Fragrance Foundation Awards !