Pour finir en beauté l’année du centenaire de son premier parfum, la Maison Chanel revient sur l’histoire de N°5 dans un magnifique ouvrage, qui rend hommage à ce parfum mythique.
Mademoiselle Chanel a imaginé un parfum comme aucun autre, « un parfum de femme à odeur de femme ». Avec N°5, Gabrielle Chanel crée un choc olfactif, une odeur impossible à rattacher à une fleur, qui fera date dans l’histoire de la parfumerie. Pauline Dreyfus, écrivaine, romancière et prix Goncourt de la biographie avec Paul Morand cette année, retrace l’histoire de l’essence au bouquet floral à travers un livre sobrement intitulé N°5 Chanel.
Deux volumes composent cet ouvrage : le premier est consacré aux débuts de N° 5, de 1921 à 1945 ; le second à sa célébrité internationale, de 1945 à nos jours. Le livre nous raconte les différentes étapes qui ont fait de ce parfum un mythe, de sa composition à sa commercialisation. Révélant l’intimité des archives de la Maison Chanel, il donne la parole à celles et ceux qui veillent à son éternelle jeunesse et à la préservation de son inestimable patrimoine.
N° 5 Chanel contient des documents inédits et des images de campagnes publicitaires, signées de photographes et cinéastes de renom – Richard Avedon, Helmut Newton, Baz Luhrmann, Ridley Scott… – et incarnées par les égéries du parfum – Gabrielle Chanel elle-même, Catherine Deneuve, Carole Bouquet, Nicole Kidman puis Lily-Rose Depp ou encore Marion Cotillard, qui lui a prêté son visage pour ses 100 ans…
D’un parfumeur à l’autre, préserver N°5… et le réinventer
En 1921, naît N°5, le premier parfum de Gabrielle Chanel. Créatrice de mode visionnaire, elle est aussi la première couturière à lancer un parfum en son nom. Elle dont les créations libèrent les esprits et affirment une nouvelle allure, entend aussi affranchir la féminité de ses carcans olfactifs. En rupture avec les codes de son temps, le sillage abstrait de N°5 est le reflet de la personnalité de Gabrielle Chanel. Son double olfactif.
Le parfumeur Ernest Beaux imagine une composition d’avant-garde associant les plus nobles ingrédients naturels à des molécules de synthèse, encore nouvelles à l’époque, qu’il utilise dans des proportions inédites pour exalter les senteurs : les aldéhydes. N°5 échappe à toute référence olfactive. Il s’affranchit de toutes les règles. Par son caractère radical, il s’est imposé comme un point de bascule dans l’histoire du parfum, dont il a inauguré l’ère moderne. N°5 est un parfum pionnier, une révolution.
Les trois parfumeurs qui ont succédé à Ernest Beaux ont tous hérité de la même mission : protéger la fragrance iconique de la Maison Chanel. Henri Robert, Jacques Polge et désormais son fils Olivier se sont transmis la formule secrète de N°5 comme un flambeau. « Préserver N°5 est une attention permanente », témoigne Olivier Polge, parfumeur-créateur de la Maison depuis 2015. C’est à lui que revient d’assurer l’approvisionnement et la qualité constante des matières premières qui composent le parfum, dont le jasmin et la rose de mai à Grasse. Depuis la cueillette jusqu’aux méthodes d’extraction, Olivier Polge mène avec le Laboratoire de Création et de Développement des Parfums Chanel un travail d’orfèvre, qui permet d’assurer année après année l’excellence de la fabrication de N°5.
N°5 est aussi une source inépuisable d’inspiration. Ernest Beaux, puis Jacques et Olivier Polge, se sont chacun livrés à un exercice de style : mettre en lumière l’une des nombreuses facettes de N°5. En comptant l’Extrait originel en 1921, les interprétations sont aujourd’hui au nombre de cinq : N°5 Eau de Toilette en 1924, N°5 Eau de Parfum en 1986, N°5 Eau Première en 2008 et enfin N°5 L’Eau en 2016.
Une icône de féminité
En 1937, Gabrielle Chanel, déjà au sommet de sa notoriété, est la première femme à incarner son propre parfum, N°5. Accoudée à la cheminée d’un appartement du Ritz, elle pose face à l’objectif de François Kollar pour une affiche publicitaire à paraître dans Harper’s Bazaar.
En 1952, Marilyn Monroe confie ne porter que « quelques gouttes de N°5 » pour dormir. Cet aveu, dévoilé lors d’une interview accordée à Marie Claire en 1960, consacre la légende. N°5 s’impose comme une icône absolue.
Dans les années 1960, Jacques Helleu, directeur artistique des parfums Chanel jusqu’en 2007, initie l’ère des égéries. Il choisit les plus belles femmes du monde et fait appel aux plus grands noms de la photographie et du cinéma pour les mettre en scène au cœur de campagnes publicitaires qui feront date.
Au fil des décennies, N°5 est incarné par les plus grandes actrices de leur temps : Ali MacGraw, Lauren Hutton, Catherine Deneuve, Carole Bouquet, Nicole Kidman… Elles poseront tour à tour face à l’objectif de photographes célèbres tels que Richard Avedon, Patrick Demarchelier ou Dominique Issermann, et tourneront sous la direction de réalisateurs renommés : Helmut Newton, Ridley Scott et Baz Luhrmann.
Thomas du Pré de Saint Maur, Directeur Général des Ressources Créatives Parfums, Beauté et Horlogerie-Joaillerie de Chanel, continue d’entretenir le mythe de N°5. En choisissant en 2020 l’actrice Marion Cotillard et le réalisateur Johan Renck, il affirme une fois de plus la modernité absolue de ce parfum mythique et perpétue son imaginaire.
Le luxe de la simplicité
En guise d’écrin pour N°5, Mademoiselle Chanel imagine en 1921 un flacon minimaliste, abstrait, qui s’efface devant la couleur ambrée du jus. Le format plat, à la manière des flasques à alcool, est conçu pour le mouvement et la vitesse, pour la poche ou la trousse de voyage. Pour la première fois, le double C entrelacé apparaît sur le bouchon. L’étiquette radicalement simple est en phase avec l’esprit du temps.
« Toujours enlever, jamais remettre », disait Gabrielle Chanel. Au cours du temps, la ligne sobre et élégante de N°5 a finalement peu changé.
Dès la naissance de N°5, le choix d’un verre fin s’est imposé. En 1924, les chanfreins sont apparus sur le flacon afin d’en consolider les angles. Les évolutions qui ont suivi sont plutôt d’ordre esthétique, avec la volonté de garder cette icône moderne et intemporelle. En 1970, date à laquelle la création d’un alphabet Chanel est officialisée, apparaissent le graphisme et le logo que l’on connaît aujourd’hui, toujours en noir et blanc, couleurs signature de la Maison. C’est une année où le bouchon se fait aussi plus imposant, répondant aux codes de l’époque. En 2012, le studio de création Packaging de Chanel décide de l’affiner et de faire évoluer le graphisme de l’étiquette, désormais plus petite ; la signature N°5, associée à Chanel, est mise en avant.
N°5 est aussi consacré par le monde de l’art. En 1959, l’étui est exposé au Musée d’Art moderne de la ville de New York et Andy Warhol lui consacre une déclinaison de neuf sérigraphies dans les années 80 : N°5 accède au statut d’icône de la pop culture.
Depuis sa création en 1921, N°5 incarne la grammaire des parfums Chanel, à travers ses trois fondamentaux : sa révolution olfactive, l’excellence des matières premières et son packaging radical.
Le livre N°5 Chanel, passionnant et luxueux, retrace avec brio l’histoire de ce parfum fascinant, qui tient une place unique dans l’histoire de la parfumerie et dans notre imaginaire collectif depuis 100 ans.
N°5 Chanel, de Pauline Dreyfus, coffret en 2 volumes, Éditions La Martinière