Après quelques années dans les études marketing clients et produits, Juliette Guillemin Dupille a poursuivi sa carrière comme acheteuse dans la grande distribution en centrale et en enseignes. Diplômée d’un master en Développement Durable et Organisations, elle s’est recentrée sur la RSE, et particulièrement les achats durables pour développer l’activité du Groupe Afnor sur cette thématique.
Vous avez à nouveau accepté d’être membre du jury du Prix de l’Innovation Responsable de la Fragrance Foundation France et nous en sommes ravis. Pourquoi ce prix est-il important pour vous ?
Tout d’abord parce que comme tout sujet en lien avec la RSE, il est primordial de prendre la parole sur le sujet et de « vulgariser » les bonnes pratiques. Ensuite, pour rejoindre un jury de personnes passionnées, comme je le suis, et aux parcours divers et variés, ce qui est important dans la composition du jury. La partie supply chain est clé dans toute filière et particulièrement celle du parfum, ce qui me permet d’apporter mon point de vue et mon expertise sur ce sujet. Enfin, le parfum est un bien superfétatoire, et il est toujours intéressant de voir comment arriver à concilier développement durable et beauté, ou bien-être. C’est une question que je m’étais déjà posée quand j’ai effectué mon stage de Master chez l’Oréal… et la réponse est complexe !
Ingrédients clean, recyclage, 100 % naturel, chimie verte… Depuis 20 ans, la parfumerie se positionne comme une industrie davantage durable avec des initiatives nombreuses et variées. Que veut dire pour vous une parfumerie durable ? À votre avis, quelle est la priorité pour la filière ?
Aujourd’hui il est très difficile d’avoir une vision claire sur la composition du « jus », entre matières premières naturelles (risques de pressions sur les ressources, menaces sur la biodiversité…) et matières synthétiques non issues de la pétrochimie. Pour cette raison, j’identifie deux axes de travail.
Le premier concerne le contenant : le flacon et l’emballage. Economie circulaire, suppression d’emballage… Je ne crois pas trop en revanche en l’impact des solutions recharges car la durée de vie d’un parfum est assez longue, et le concept de recharge est peu compatible avec le positionnement haut de gamme d’un parfum.
Le deuxième axe est orienté vers le contenu. La filière devrait selon moi travailler sur son écosystème et les externalités positives liées à son activité. En interne, vis-à-vis des salariés et en externe par rapport à ses fournisseurs. Je pense par exemple à un système de coopérative de femmes, comme j’ai pu en voir près d’Essaouira au Maroc pour l’huile d’argan, permettant de développer une économie plus inclusive localement. Une économie contributive sur son écosystème passe par une économie inclusive. Si nous voulons que l’économie ait un sens et que le business soit résilient, nous avons besoin de beaucoup de coopératives comme celles-là, avec les conséquences positives sur leur économie, leurs investissements, leurs voisins et leurs écosystèmes, sociaux ou naturels. Ce type d’approche s’appliquerait bien à l’industrie de parfum à mon sens, au niveau des matières premières.
Les sociétés du secteur du parfum et du luxe communiquent de plus en plus sur la RSE. Cette tendance initiée en B2B commence à se développer dans le discours auprès des clients. Pensez–vous que c’est une tendance forte des prochaines années ? En quoi est-ce bénéfique pour le secteur ?
Oui, c’est une tendance forte. Encore faut-il que cela ne se limite pas juste à de la communication sans actions opérationnelles et durables. La crise que nous vivons actuellement remet plus que jamais en question cette nécessité de préserver notre capital « terre » et « humain ». J’ai constaté dans le cadre de mes missions, de vraies actions dans des entreprises du luxe sur le sujet qu’adresse le devoir de vigilance et de responsabilité des donneurs d’ordre vis-à-vis de leur supply chain. Ce secteur a les moyens humains et financiers, de prouver aux autres secteurs la nécessité d’investir sur un business durable et responsable et sur un retour sur investissement à moyen et long terme. Il devrait servir d’exemple.
Revenons au parfum. Dans la vie de tous les jours quelles odeurs vous font-elles vibrer ?
J’aime les odeurs de fleurs blanches : la tubéreuse, les fleurs d’oranger et de de citronnier, le parfum doux des glycines et du jasmin. À l’inverse, je déteste l’odeur de vanille ou de chocolat dans les parfums.