Développement durable, valorisation du patrimoine, élargissement de la clientèle… Victoria Rongier, la directrice marketing de Rochas, nous parle des ambitions de la marque du groupe Interparfums.
Pouvez-vous nous parler de votre première rencontre avec le parfum ?
J’ai été plongée dans l’univers du parfum dès toute petite. Ma mère a longtemps travaillé pour un grand groupe de fournisseurs de parfums. Mes premiers amours en parfum ont été White Musk de The Body Shop et Thé Vert de Bulgari. J’aimais cette douceur, cet effet réconfortant et frais à la fois. Mes préférences olfactives n’ont pas beaucoup changé d’ailleurs, mes parfums oui, mais l’émotion recherchée reste la même.
Vous dirigez le marketing de Rochas depuis 2015. Comment la marque s’est-elle développée depuis le rachat par Interparfums ?
Depuis le rachat, nous avons eu à cœur de remettre les jus dit « héritage » dans leurs flacons originaux (Femme, Madame et Tocade) afin que nos clientes fidèles retrouvent leur produit fétiche. Nous avions pour ambition de moderniser et redynamiser l’image de la Maison, de proposer, au-delà des jus héritage, une offre adaptée. Nous avons ainsi créé en 2016 la ligne Mademoiselle Rochas, que nous avons déclinée sous différentes facettes. Une Mademoiselle jeune, parisienne et spontanée. Avec L’Homme Rochas, lancé en janvier 2020, l’idée est d’écrire une histoire de duo contemporaine, d’animer une rencontre entre cet Homme et cette Mademoiselle, par de jolies balades parisiennes et de joyeux moments de partage.
Qu’en est-il d’Eau de Rochas ?
Eau de Rochas, notre parfum icône, a fêté ses 50 ans en 2020. Nous l’avons animé pendant quelques années avec des éditions limitées très estivales, avec, au cœur de nos communications, la fraîcheur, les bords de mer, la joie de vivre et la complicité car c’est un véritable best-seller transgénérationnel. Le parfum que nous avons tous vu dans une salle de bain et dont nous avons toutes hérité. Rochas est aujourd’hui reconnu pour ses valeurs de spontanéité et de joie de vivre qui vivent au travers de tous nos lancements. La marque a bien grandi et surtout nous nous sommes recentrés sur ce qui était l’essence de Rochas. Nous avons la chance d’avoir des consommatrices Eau de Rochas extrêmement fidèles depuis de nombreuses années, et qui, ajoutées aux consommatrices de Mademoiselle Rochas, représentent la très grande majorité de nos ventes à ce jour. Certains pays historiques, tels l’Espagne et la France, distribuent évidemment ces deux franchises, et c’est grâce à elles que nous avons réussi à élargir la distribution de la marque à d’autres pays.
Vous avez relancé plusieurs parfums, parfois à l’identique, parfois en les modernisant légèrement. Prévoyez-vous de ressusciter d’autres créations de Rochas dans les années à venir ?
Nous avons ressuscité Lumière et Moustache Eau de Toilette en effet. Pour ce dernier, nous avons complété notre offre avec une eau de parfum qui s’adressait très bien aux pays plutôt latins ou du Moyen-Orient. Quant à Byzance, nous avons pris le parti de le relancer en modernisant le flacon, l’étui et la fragrance. La distribution demeure exclusive en France et en Espagne à certaines enseignes. Mais nous avons bien sûr d’autres projets, notamment un projet très novateur pour Rochas qui va être lancé dans quelques semaines.
La nouvelle fragrance de Rochas s’appelle Girl. Au-delà du rajeunissement de la marque, vous avez souhaité axer le parfum sur une démarche durable. Pouvez-vous nous en parler ?
Nous avons eu à cœur dans ce nouveau lancement, qui se veut Spray Good – Feel Good, de mettre l’accent sur une prise de conscience écologique avec un produit plus respectueux de la planète : un flacon en verre recyclé, un capot en mono-matière plastique en partie recyclée, et un étui en papier FSC avec un manifeste apposé extrêmement didactique. Au cœur de ce produit, une formule avec 90 % d’ingrédients d’origine naturelle, sourcés de façon responsable et traçable. C’est aussi un parfum aux propriétés feel good avec notamment un ingrédient star, l’extrait de néroli, qui vient prolonger et amplifier l’effet bien-être. Il était très important pour nous de concevoir un parfum qui s’adresse à toutes les femmes en quête de beau et de bien.
Interparfums a débuté cette réflexion par la marque Rochas. Pourquoi ? Prévoyez-vous de l’étendre à d’autres créations de Rochas ?
Bien sûr, ce n’est qu’un début et non un « one-of ». Nous sommes tous conscients que les comportements d’achat ont beaucoup évolué ces dernières années. L’accès à l’information est de plus en plus facile et les acheteurs sont en demande de transparence sur ce qu’ils consomment. Le parfum n’était pas considéré comme une filière très polluante jusqu’à une période récente, vu le faible nombre de parfums consommés sur une année, en comparaison des bouteilles en verre ou plastique de consommation quotidienne. Cela change, nous avons accès à une multitude de supports qui permettent de découvrir et de valoriser la filière et les métiers de notre industrie. Comment crée-t-on, quels sont les engagements, les normes, et les nouvelles façons de travailler qui viennent bousculer notre industrie ? Ces mutations ont bien sûr largement alimenté notre réflexion, et la Maison Rochas nous appartenant, il était donc évident pour nous de commencer avec elle au sein de notre portefeuille. Mais globalement, c’est un nouvel état d’esprit et une nouvelle façon d’entreprendre qui se mettent en place. Nous travaillons déjà sur de nouveaux lancements dans une volonté d’amélioration constante et de maîtrise de notre empreinte environnementale. Le lien à la nature étant tellement présent dans l’ADN de la Maison Rochas, nous continuerons à nous améliorer dans la mesure où les industriels progresseront et innoveront tout en étant à un niveau de luxe attendu par notre clientèle.
Plus globalement, quelle est la stratégie d’Interparfums pour les années à venir en matière de développement durable ?
Notre responsabilité sociale et nos pratiques en matière de gouvernance figurent historiquement parmi les valeurs de la société. Aujourd’hui, notre ambition est de porter notre responsabilité environnementale au même degré de maturité. De nombreux projets en ce sens sont à l’étude et nous prendrons prochainement la parole à ce sujet.
Achats en ligne, restriction des voyages, conférences à distance… Le Covid a chamboulé l’industrie du parfum. Quels sont les changements durables – et positifs – selon vous ?
Comme beaucoup, nous avons dû faire face à un nouveau mode de fonctionnement. Nous nous sommes adaptés, nous avons créé un écosystème avec nos marchés, nos fournisseurs et nos prestataires, avec qui la communication n’a jamais cessé. En cela, le digital est un outil formidable car il permet malgré tout la continuité des échanges et l’avancée des projets. Nous avons dû être plus créatifs, de façon à être plus intéressants et attractifs derrière les écrans. C’est un vrai défi qui permet aussi de se remettre en question, d’aller à l’essentiel. Faire découvrir de nouveaux projets et rassembler l’ensemble des interlocuteurs autour d’un parfum est certainement la chose la plus compliquée à relayer via un écran, mais nous avons su relever le défi et continuer à créer de l’émotion qui fait vibrer l’industrie du parfum. Du côté B2C, l’achat en ligne a effectivement vu sa croissance s’envoler sur cette période. Mais nous avons aussi observé de la créativité dans la distribution traditionnelle. Elle a été capable de s’adapter à ce contexte en proposant des offres qui permettent de tester le parfum chez soi et s’assurer que le produit est bien tel qu’on l’espérait au porté. Une façon de gagner des nouveaux clients et pas seulement du réachat ! Du point de vue B2B, nous avons pu assister à des talks reguliers, notamment ceux orchestrés par la Fragrance Foundation : une source d’inspiration et une ouverture d’esprit où l’on discute des challenges qui surviennent dans notre industrie.