Créatrice indépendante depuis 7 ans et parfumeur maison de la marque Acorelle, Katell Plisson est passionnée par les matières premières naturelles, vers lesquelles elle a naturellement orienté ses créations. Elle constate que la demande a augmenté fortement ces dernières années, et particulièrement depuis la crise du Covid.
Ressentez-vous un regain d’intérêt pour la particularité de votre travail ?
Effectivement, je suis une créatrice de parfums positionnée « naturalité », alors forcément, j’ai toujours beaucoup de demandes de créations dans ce sens, mais, oui, ces demandes se sont accélérées depuis quelques années, et encore plus depuis début 2020. Lors du premier confinement, nous avons été partiellement « privés » du début de printemps, de ses odeurs, de cette renaissance, du soleil qui commence timidement à réchauffer l’atmosphère… Ce manque « d’air libre », à un moment-clé des saisons, couplé à une certaine humilité retrouvée face à la nature, nous a donné à tous un grand besoin d’odeurs naturelles, un retour au végétal, des notes vertes, fraîches, florales, marines…
Avez-vous noté d’autres phénomènes récents liés au parfum ?
Oui, et elles sont d’ailleurs complémentaires.Je constate depuis l’année dernière une envie accrue d’utiliser le parfum, certes pour « parfaire son soi », comme objet de séduction et plaisir, mais aussi – sans exclusion – pour le bienfait qu’il apporte : le grand retour de l’aromachologie et de l’olfactothérapie, ou l’utilisation des odeurs pour les vertus thérapeutiques qu’elles offrent. Par exemple, une note agrume (orange, citron, bergamote) apporte certes de la fraîcheur, de l’envolée au parfum, mais aussi, selon la note utilisée, un « shoot » de dynamisme (avec du citron), ou au contraire une vague d’apaisement (avec de la mandarine). C’est une vertu supplémentaire. Autres exemples : l’huile essentielle d’Ylang-Ylang favorise le lâcher-prise et l’apaisement ; le géranium est quant à lui réconfortant et ré-équilibrant.
Cette tendance concerne-t-elle toutes les marques de parfums ?
De nombreuses marques « conventionnelles », qui utilisaient ces notes pour leur qualités olfactives, artistiques, et leur sillage, commencent à prendre la parole aussi pour les vertus qu’elles apportent. Et en parallèle, un grand nombre de nouvelles marques et de nouveaux concepts mettant ces valeurs en avant sont apparues ces derniers mois. Cette tendance est aussi liée à l’époque actuelle : on est beaucoup en télétravail, alors on se parfume moins, et juste pour soi… On a besoin de notes réconfortantes, cocooning. Nul besoin de se parfumer beaucoup, ou de sillage trop large. On se parfume pour s’apporter du bien-être et aider à se « sentir mieux » dans cette période anxiogène.
Avec le port du masque qui « emprisonne » notre nez, on sent moins. Certains ont-ils besoin de se parfumer plus qu’à l’habitude ?
On vit ces deux situations opposées, deux tendances contraires. Ce n’est pas évident, mais finalement cohérent avec cette époque déstructurée, aux multiples injonctions, incertaine. Et puisque l’on ne voyage plus, on a plus que jamais besoin de parfums qui nous invitent à l’évasion par l’histoire qu’ils racontent, et qu’on découvre ; des parfums qui nous emportent ailleurs, générateurs d’émotions, et quoi de plus générateur d’émotions que nos souvenirs de voyages ?
Aujourd’hui, quelles sont les notes qui nous rappellent le voyage ?
Tout est très subjectif et lié à notre histoire, mais aussi à nos souvenirs. Ainsi une note gourmande-chocolatée peut nous transporter quelques années auparavant dans la cuisine de notre grand-mère lors de la préparation d’un gâteau, une odeur solaire de monoï et de fleur de tiaré nous rappelle nos dernières vacances au soleil des Tropiques, une note chaude de tabac blond, aux facettes fruitées, épicées, ambrées nous plonge dans une fin d’après-midi d’été lorsque l’on quitte cette plage corse, bordée d’immortelles et de cistes. Des voyages imaginaires ou intérieurs qui nous font du bien.
Il existe de nombreuses tendances qui parcourent l’univers des parfums actuellement ; mais si on n’en retenait qu’une… ?
Si on en dégageait une seule, ce serait l’explosion des demandes sur la naturalité, que ce soit les notes olfactives reproduisant une odeur naturelle, ou un focus sur les ingrédients naturels ; et en parallèle, une demande très forte des utilisateurs de parfum d’éco-responsabilité et de transparence. Aujourd’hui, ce qui est vrai pour tous les secteurs est vrai en parfumerie : les consommateurs attendent de leurs marques un engagement environnemental et social, tant au niveau des formules que des packagings ou des valeurs revendiquées. Je relève d’ailleurs que la Fragrance Foundation France a justement créé récemment le Prix de l’Innovation Responsable pour un Parfum ; il me semble que ce Prix, qui met en avant les innovations liées à l’engagement responsable des parfums, est tout à fait en ligne avec les attentes des utilisateurs en matière de transparence.