Née en Thaïlande, Pissara Umavijani a décidé de créer sa marque de parfums à Paris où elle vit. Passionnée de parfumerie vintage, éprise de voyages, de nature et de poésie, elle nous parle de son plaisir de créer des parfums rares.
Pissara, votre marque s’appelle Dusita. Pourquoi avoir choisi ce nom ?
J’ai choisi le mot Dusita parce qu’il signifie « un niveau de paradis » en sanskrit. J’aimerais que les personnes qui sentent mes créations ressentent le bonheur comme s’ils étaient au paradis !
Vous êtes très appréciée des amateurs de parfums rares. Pourtant, vous avez un profil atypique de parfumeur autodidacte. Pouvez-vous nous parler de votre parcours ?
Je suis avant tout une collectionneuse passionnée de parfums vintage. Après avoir fait la collection de nombreux parfums, je me suis demandée ce qui rendait les parfums vintage si magiques et intemporels. Ensuite, j’ai commencé à créer mon propre orgue à parfum avec des matières premières et à analyser les formulations de certains parfums que j’aime. Je suis venu à Paris avec mes échantillons et j’ai rencontré des gens du métier qui m’ont encouragé à créer une marque. « J’ai senti beaucoup de parfums, mais les vôtres sont uniques », m’a-t-on dit. C’est ainsi que Dusita est née.
Avez-vous des ingrédients fétiches dans votre travail ? Des odeurs préférées à titre personnel aussi peut-être ? Y a-t-il à l’inverse des odeurs que vous aimez moins ou pas ?
Mes ingrédients fétiches sont les absolus et les huiles essentielles. L’absolu mousse de chêne a un parfum irrésistible et à chaque fois que je sens, j’ai envie de marcher dans la forêt après la pluie. L’absolu jasmin Sambac me rappelle vraiment le marché aux fleurs de Bangkok au petit matin. Le patchouli m’évoque le jardin de mon ancienne maison… En fait, chaque matière première se connecte à moi d’une manière différente. Les ingrédients de synthèse m’inspirent moins, surtout les composés aromatiques puissants.
Comment naissent les nouveaux parfums que vous créez ?
Mon père était poète, il a publié de nombreux livres de haïku en anglais. Tout au long de ma vie, j’ai toujours admiré sa passion. Je lis son livre de poésie et je m’inspire de ses mots pour créer un parfum. Je prends des poèmes que j’aime ; par exemple : « Mon sentiment pour toi est comme une fleur et fleurit dans une pièce vide ». J’interprète ce poème et je le transforme en parfum. C’est ainsi que le parfum Mélodie de l’amour est né. J’ai associé l’idée à un bouquet de fleurs blanches construit autour de jasmin grandiflorum et Sambac, de fleur d’oranger, de notes de muguet et gardénia, que j’ai contrasté avec des notes boisées de cèdre et de santal. J’aime aussi réaliser moi-même les illustrations de parfums pour décrire l’ambiance et le ton de chaque parfum.
Quelles sont vos sources d’inspiration ?
Mes inspirations viennent souvent de loin. D’endroits exotiques dont je rêve quand je vis à Paris. La cascade cachée dans l’ouest de la Thaïlande, la nuit sur la montagne au-dessus de la forêt de teck, les plages de sable blanc…
Quel(s) parfum(s) d’un autre créateur auriez-vous aimé créer ?
Ce serait Chamade de Guerlain dans sa version d’origine. Mon cœur s’est arrêté de battre quand je l’ai senti pour la première fois, c’était vraiment un coup de foudre. J’aurais aussi beaucoup aimé créer Bandit et Fracas, dont j’adore les versions vintage.
On dit souvent que le parfum permet de voyager sans bouger : qu’en pensez-vous ? Particulièrement en cette période où les gens voyagent beaucoup moins.
Pour moi, il n’y a pas de sens aussi fort que l’odorat pour nous faire voyager. Quand je sens un parfum, ça me transporte profondément, dans mon imagination. En sentant les parfums vintage que j’aime par exemple, je ressens les odeurs d’époques et de lieux que je n’ai jamais connus. Je revis les émotions, les mouvements et les conversations. Sentir le parfum, c’est comme regarder un film : ils racontent chacun une histoire.
Vous êtes née en Thaïlande mais c’est la France que vous avez choisie pour développer votre marque ? Pourquoi ? Que représente la France pour vous ?
Pour moi, la France était le pays idéal pour créer une marque de parfum : c’est ici que sont nées les maisons de parfum historiques. C’est ici aussi que les parfumeurs et les autres artistes recherchent des inspirations et créent quelque chose de nouveau dans ce monde. Je me suis dit au début qu’il était important de forger un rêve impossible car la France n’est sans doute pas un endroit facile pour démarrer une entreprise, mais que cela valait la peine d’essayer. C’était un grand défi pour moi.
Votre collection contient déjà 10 parfums ? Quels sont ceux qui rencontrent le plus de succès ?
Le parfum qui a le plus de succès en France est Issara, dans sa version extrait de parfum. C’est une fougère atypique qui représente une totale liberté d’esprit. A l’international, notre numéro 1 est La Douceur de Siam. La fragrance est un floral frais ; je me suis inspirée d’un crépuscule dans le jardin tropical du fleuve Chao Phraya à Bangkok.
Pissara Umavijani, quel est votre luxe à vous ?
Avoir une bonne santé avec l’esprit serein et l’énergie pour pouvoir créer plus de parfums. C’est mon luxe à moi.