Influence de la nature, tendances, ingrédients fétiches… Quentin Bisch nous parle de son métier de parfumeur et de sa façon de créer.
Quentin, pouvez-vous nous parler de votre première rencontre avec le parfum ?
Je suis tombé amoureux du parfum en le découvrant porté par des personnes de mon entourage, avec un premier choc le jour de mon entrée en sixième. Nous attendions notre professeure de français, je ne l’ai pas vue arriver, je l’ai sentie arriver ! Le sillage laissé par son passage m’a obsédé pendant tout le cours. À la fin, j’ai attendu d’être seul et suis allé la voir en lui demandant naïvement quel était son parfum. Elle m’a répondu sèchement : « Ce ne sont pas des questions que l’on pose, sortez ! ». Je suis allé dans un Sephora et j’ai tout senti pour découvrir que c’était Opium d’Yves Saint Laurent. J’ai laissé passer un peu de temps pour lui dévoiler le fruit de mes recherches et nous avons parlé parfum. J’ai compris ce jour-là que je voulais devenir parfumeur.
Vous souvenez-vous de votre première création ?
Oui, j’ai commencé par la fin ! C’était La Fin du Monde pour Etat Libre d’Orange.
Avez-vous des ingrédients fétiches dans votre travail ? Des odeurs préférées à titre personnel aussi peut-être ? Y a-t-il à l’inverse des odeurs que vous aimez moins ou pas ?
J’aime beaucoup la fleur d’osmanthus pour son ambivalence. C’est une fleur d’apparence délicate alors que l’odeur de son absolue est liquoreuse, cuirée et charnelle. D’un point de vue plus personnel, j’aime beaucoup le mimosa en fleur et l’odeur de feu de cheminée en début d’hiver. À l’inverse, je déteste l’odeur de chien mouillé !
Pour quels types de marques créez-vous ?
Je ne pose pas de frontières, je n’ai pas de préférences. Nous avons la chance chez Givaudan de travailler sur un portefeuille de projets très large dans lesquels je peux m’exprimer à chaque fois différemment. Le plus important, c’est de trouver un accord avec la marque, d’être en confiance mutuelle. Une rencontre qui permet l’osmose, comme celle avec le créateur Marc-Antoine Barrois : j’ai créé Ganymede, son dernier parfum ; il m’a suivi et m’a permis de m’exprimer en toute liberté.
En tant que créateur, quelles sont vos sources d’inspiration ?
Je suis très sensible aux variations de la nature. J’aime les saisons et tous les contrastes que nous offre la nature.
Quel parfum d’un autre créateur auriez-vous aimé créer ?
L’Eau des Merveilles d’Hermès.
Quelles tendances originales voyez-vous pour les parfums demain ?
Nous allons vers une façon de créer plus responsable et c’est déjà le cas pour nos matières premières naturelles, avec des programmes de sourcing respectueux. La synthèse n’est pas en reste et la Chimie Verte propose de nouvelles voies pour créer nos ingrédients. La formulation tiendra de plus en plus compte de toutes ces données. Quant à l’esthétique, les tendances olfactives, elles bougent bien sûr, mais de façon cyclique, et nous revenons finalement toujours aux mêmes tendances, avec quelques décalages et de nouvelles façons de les écrire.
Si vous n’aviez pas été parfumeur, quel autre métier auriez-vous rêvé d’exercer ?
Fleuriste ou alors archéologue, instituteur ou metteur en scène.