Rencontre avec Stephan Bézy, Directeur Général Yves Saint Laurent Beauté & Ynaée Benaben, Co-Fondatrice de l’association En avant toute(s) à l’origine du partenariat Aimer sans Abuser.
Comment YSL Beauté a-t-elle décidé de s’engager pour une cause sociétale ?
Stéphan Bézy : YSL Beauté a toujours eu à cœur de faire écho à son époque et d’accompagner les changements de la société, notamment lorsqu’ils touchent à l’autonomie et l’indépendance des femmes.
Les femmes ont toujours été au cœur de notre Maison. Monsieur Saint Laurent a toujours agi pour les femmes, c’est un créateur qui les aimait. Il a voulu les rendre belles, les a défendues, tout cela en restant en totale adéquation avec son époque. Il a créé le vestiaire qui allaient accompagner leur libération et leur prise de pouvoir : le smoking, la combinaison…
Soutenir les femmes, en particulier dans leur indépendance, est au cœur de la marque et des équipes. Il était donc naturel que nous nous engagions pour cette cause sociétale importante.
Plus précisément, pourquoi avoir choisi le sujet des violences au sein du couple ?
S.B. : La liberté de la femme est au cœur de l’ADN de la marque YSL depuis 1961. Les femmes se doivent d’être libres. Libres d’être qui elles souhaitent, de penser comme elles le veulent, comme elles l’entendent. Personne n’a le droit de leur enlever cela. Nous voulons nous mettre au service de cette liberté, aider les femmes à prendre ou garder le pouvoir, leur donner une voix quand elles ne peuvent pas s’exprimer.
Après un travail de recherches et d’études en collaboration avec des experts, nous en sommes venus à ce sujet crucial des violences au sein du couple.
Tous les trois jours une femme meurt sous les coups de son partenaire, ceci sans forcément vivre sous le même toit. Une femme sur trois dans sa vie, va vivre un épisode de violence ou être victime de violences psychologiques, physiques, sexuelles, financières ou économiques. C’est un sujet tristement inscrit dans notre réalité et qui est encore parfois tabou. Nous, amoureux de l’émancipation et de cette philosophie propre à Yves Saint Laurent qui a toujours porté les femmes au plus haut et valorisé leur liberté, cela nous a semblé très naturel de soutenir cette cause.
Les violences au sein du couple sont une forme spécifique de violences conjugales ; en quoi diffèrent-elles des autres formes de violences domestiques et que recoupent-elles ?
Ynaée Benaben : Les violences au sein du couple sont les violences qui sont commises par un conjoint ou une conjointe, un ou une partenaire, que la personne soit mariée ou pas, que les personnes vivent en concubinage ou non. Cela traverse et dépasse tous les âges, toutes les classes sociales, toutes les origines sans distinction.
S’interroger sur les violences au sein du couple revient à se questionner sur « qu’est-ce que l’amour ? ». Aujourd’hui, nous sommes dans une société qui vit les violences au sein du couple et les reproduit justement parce que la question d’amour est floue et parfois déformée. L’amour est parfois associé à la domination et au contrôle sans considérer que cela est un problème. Quand on dit que les gens s’aiment, comment aiment-ils ? Pourquoi ? De quelle manière et quelles sont les limites ? Qu’a-t-on le droit de faire, qu’accepte-t-on ou pas ?
Il y a des imaginaires dans notre société qui sont à déconstruire, à repenser et reconstruire, à éduquer dans le but de réussir à couper cette reproduction permanente, à changer le moule, à faire bouger petit à petit les lignes pour que les comportements puissent vraiment évoluer sur le fond et sur le long terme surtout.
Nous voyons qu’il existe certaines particularités parfois en fonction des publics. Chez En avant toute(s), nous travaillons particulièrement auprès des jeunes. Parce qu’aujourd’hui en France, nous estimons qu’une femme sur dix environ vit des violences au sein de son couple. Chez les plus jeunes (moins de 25 ans), c’est plutôt une femme sur sept. Cette tranche d’âge est sur-représentée parmi les victimes. Cela ne veut pas dire que les jeunes sont plus violents, cela veut dire que c’est un âge où la vulnérabilité est telle qu’il est plus « facile » ou plus rapide de se retrouver dans des situations dangereuses ou violentes.
Un nom pour ce partenariat a été choisi « AIMER SANS ABUSER ». Pouvez-vous nous raconter son message ?
S.B. : Nous voulions trouver un nom qui permette de sensibiliser le public au problème. Le nom devait souligner l’évidence : nous devons aimer sans abuser.
L’amour est central dans les valeurs de la Maison Saint Laurent. Le symbole du cœur a toujours été présent dans ses créations et bien sûr dans celles d’YSL Beauté. Quand nous avons réfléchi au nom de cette initiative, nous avons pensé à « Aimer sans abuser » car nous voulions alerter sur la définition de ce qu’est l’amour.
Nous savons que la maltraitance, que cet abus, peut prendre de nombreuses formes comme nous l’avons précédemment évoqué. L’abus n’est pas l’amour. C’est aussi simple que cela.
Il existe une tension dans le nom de ce partenariat : avoir mis ce verbe terrible qu’est « abuser » en miroir «d’aimer », en les opposant clairement, porte un message fort et direct.
Nous avons pensé que ce nom était universel, fort, immédiat, facile à comprendre, puissant. Nous voulions exprimer ce qu’est une relation saine, ce qu’est le véritable amour, qui ne peut pas exister à travers la violence et les abus.
Comment fonctionne votre partenariat ?
S.B. : Nous soutenons En avant toute(s) pour que nous ayons demain une jeunesse qui comprenne mieux ce qu’est l’amour et ce qu’est l’abus, qu’elle soit éduquée à lire, détecter les comportements déviants et donc aider à les prévenir.
Nous travaillons main dans la main pour savoir quels sont les besoins locaux. En France, les jeunes sont à la recherche de conseils et ont besoin d’experts pour leur parler de manière pertinente et authentique. En avant toute(s) le fait parfaitement. Notre partenariat comprend 3 piliers que nous finançons : le chat d’intervention, la sensibilisation du grand public et de nos équipes internes et la recherche pour approfondir la connaissance sur le sujet.
Il y a beaucoup de combats à mener contre les violences au sein du couple. Dans le cadre de votre collaboration, lequel avez-vous privilégié ?
S.B. : Il pourrait être difficile d’en parler si cela vous arrive. Quand l’entourage n’est pas au courant, ne sait pas comment lire les signes de cette oppression, le système tourne sur lui-même et personne ne s’en sort.
Pour lutter contre ce fléau, il faut sensibiliser les jeunes et faire en sorte que la communauté elle-même soit en alerte et capable de voir les signaux pour les prendre en charge.
Y.B. : Effectivement je vous rejoins pleinement ainsi que toute l’équipe, sur cette idée d’actions multiples et sur le fait que les violences sont organisées dans un système global. Pour pouvoir agir, il faut être à plusieurs endroits.
Il y a d’abord un travail sur soi-même, réfléchir et se former avant de pouvoir en parler aux autres. En tant qu’individu, quelles sont ces violences ? Quelles situations vis-je ? En tant qu’homme, c’est se demander : « Suis-je dans des positions qui peuvent être des positions d’agressions ? ». En tant que femme, c’est se poser les mêmes questions. Il y a déjà un côté très personnel et individuel. Le fait de se former et de savoir à quoi ressemblent les violences, comment on peut les détecter, quelle place on peut prendre, c’est extrêmement important.
Les violences sont également très souvent psychologiques, elles ne laissent pas forcément de traces visibles. On On imagine encore souvent que s’il n’y a pas de bleus, il n’y a pas de violences, alors que les violences commencent bien avant ça. Pour qu’il y ait des violences physiques, généralement il y a eu des violences psychologiques avant. Des humiliations, des rabaissements, du contrôle, de l’isolement. Des actes qui sont tous interdits par la loi. Être en couple ne signifie pas qu’on a des droits quelconques sur l’autre, ni verbalement, ni physiquement, ni sexuellement.
Il y a également les témoins des violences. Dans cette situation, on a l’impression de s’impliquer dans des histoires qui ne nous regardent pas alors qu’elles nous regardent. Les violences nous concernent tous, ce sont des actes qui sont interdits.
Une solution est d’en parler d’une manière qui soit positive, bénéfique et qui ne braque pas car on a souvent peur de mal faire.
On voit également que quand les chercheurs s’y intéressent, c’est une fissure supplémentaire dans la chape de plomb sui recouvre cette réalité. Cela fonctionne très bien car cela permet de mobiliser d’autres espaces. C’est pour nous, vraiment un moyen essentiel.
Depuis le début de votre collaboration, avez-vous des premiers résultats à partager ?
Y.B. : Les résultats sont immenses, on le sait déjà et on le voit déjà, alors même que notre partenariat commence tout juste. Ceci pour plusieurs raisons. D’abord parce que le fait de soutenir les actions d’une association est socialement et symboliquement important, notamment le fait de savoir que les gens et les entreprises s’engagent. Ensuite l’aspect financier de ce soutien est essentiel.
En ce qui concerne la prévention, unir nos forces dans ce travail de terrain porte déjà ses fruits, pas seulement à court terme, mais aussi pour l’avenir.
Par exemple, nous travaillons très bien avec des établissements scolaires qui sont très proactifs sur cette question, car ils en constatent les effets concrets. Nous intervenons depuis plusieurs années dans certains établissements et nous observons des changements significatifs, certaines questions qu’on abordait la première année ne sont plus des questions aujourd’hui. Les comportements ont été transformés, aussi bien dans l’équipe éducative, administrative mais aussi parmi les élèves. Nous formons également les professionnels, principalement des secteurs de la jeunesse. Tout le monde voit bien qu’il y a un problème dans la réaction face aux violences, et la demande de formation est grande.
Yves Saint Laurent Beauté crée la beauté qui habille le changement : www.yslbeauty.com
EN AVANT TOUTES : https://enavanttoutes.fr/
TCHAT : https://commentonsaime.fr/
VIOLENCE FEMMES INFO NUMERO NATIONAL : 3919