Femme par Rochas

FEMME 

ROCHAS 

1944 

EDMOND ROUDNITSKA 

C’est presque une histoire simple, faite de fragments de vies et de chroniques françaises. 

En 1944, sur fond de Libération, Marcel Rochas épouse Nelly, rencontrée selon la légende, au croisement d’un couloir du métro parisien. Direction la grande vie pour la jeune fille de 18 ans, avec arrêt au 40 rue Barbet-de-Jouy dans le VIIe arrondissement. Son mari la rebaptise Hélène, c’est paraît-il plus chic. Et lui offre pour leur mariage un parfum sur-mesure, infiniment racé. Un sillage commandé à Edmond Roudnitska, alors jeune parfumeur visionnaire, fou de Kant et de formes olfactives. En amoureux des grands chyprés, du Chypre de Coty à Mitsouko de Guerlain, Edmond pioche dans un accord travaillé sous l’Occupation, hymne à la liberté sensuelle et élaboré à partir d’une base Prunol de chez Delaire,  composée de prunes, d’aldéhydes C-14 et C-18 et de patchouli.

De cette ébauche, sorte de banque à idées, il déploie un cœur de violette et de rose dont il twiste le côté un peu classique à coups de traits lactonés, de noix de coco et de melon ozonique. Bien embrasé de cumin, le parfum, chaud, évoque une douce sueur et la moiteur de la peau après l’amour. Pas mal comme cadeau pour une «panthère sophistiquée», le surnom que le Gotha donnera à Hélène. Marcel Rochas l’adopte instantanément, tout comme son homme d’affaires Albert Gosset, fondateur de la maison de Champagne éponyme, aussi attentif au contenu qu’au contenant. C’est d’ailleurs lui qui participe au design du flacon, sorte d’amphore couleur or ou de jarre de parfum, juste habillé de dentelles Chantilly noire, code majeur de la Maison de Couture. Furieusement charnel, Femme imprime sa présence d’un bel exercice d’équilibriste. Une sorte de défi que seuls les plus grands parfumeurs sont capables de réaliser.  

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