« Paris, je t’aime », cette déclaration d’amour par voie d’annonces presse était la signature du parfum Paris d’Yves Saint Laurent lors de son lancement en 1983. C’est aussi la relation que nombre de parfums entretiennent avec la Ville Lumière. Parce que la mention « Paris » est indissociable du luxe, parce que la beauté de la capitale française fait rêver la terre entière, parce qu’elle est le lieu idyllique des amoureux…Paris est une ville incontournable, présente sur de nombreux territoires de communication des parfums. À travers le prisme de leurs campagnes, les marques redessinent la cartographie de la capitale, avec les hauts-lieux où elles se concentrent. Voici un tour d’horizon.
Dès 1928, sur une affiche symétrique en noir et blanc, le flacon Shalimar est associé à la grandiose perspective des Champs Élysée. Cette communication préfigure celle de Champs Elysées qui s’intègrera naturellement en 1996 dans ce même décor illuminé, habité par la présence d’une l’égérie.
Dans les années 50, l’illustrateur Guillaume Gillet croque un Paris charmant, presque anecdotique pour mettre en scène les marques de la maison Lanvin. Arpège, My Sin ou Rumeur s’inscrivent en lettres manuscrites sur tous les supports disponibles : colonnes Maurice, ballons gonflés à l’hélium, procession d’hommes sandwich… Cette forme de réclame naïve s’infiltre dans tous les recoins d’un Paris plus typique que luxueux. A l’opposé, pour le parfum Soir de Paris de Bourgeois, les quartiers chics sont de mise avec les tenues habillées : la place de la Concorde avec ses fontaines prodigues au premier plan et la tour Eiffel en arrière-fond s’impriment dans les codes de la marque.
La tour Eiffel se profile dans d’innombrables publicités de parfum : sa silhouette est un leitmotiv de la communication de Paris d’Yves Saint Laurent, un point de repère pour l’héroïne en ballons de Miss Dior Chérie, et l’épicentre de la communication très cinématographique de Givenchy Play, le point culminant d’où se commandent toutes les lumières de la ville… Elle est malicieusement enrubannée par la femme-chat de Ricci Ricci. Rive droite, la colonne Vendôme s ‘érige au centre des publicités des parfums Boucheron, marqueur légitime du territoire de cette marque de joaillerie déjà bien implantée sur place. Les deux monuments, dressés de part et d’autre de la Seine, ont une valeur de signifiants pour Paris et Luxe.
Le Pont Alexandre III est le théâtre des réminiscences torrides de la Parisienne d’Yves Saint Laurent. De façon récurrente, la Seine, ses quais et ses ponts sont des décors privilégiés pour des parfums. Plusieurs explications : l’élément liquide coule de source, ce cadre est romantique à souhait et le rituel du passage est en affinité profonde avec le story-telling de ces marques orientées vers l’imaginaire. Citons les différentes versions de Trésor de Lancôme, notamment, celle de Trésor Midnight Rose où Paris est transfigurée par des filtres violets, ou bien Very Irresistible de Givenchy, entièrement tournée sur l’eau, où Liv Tyler vogue librement aux commandes d’un Riva. De nuit, la Femme Panthère de Cartier se métamorphose en féline. Par le rituel de la traversée du Pont de Bir Hakeim, elle accède à un autre rivage, à sa part animale. La Passerelle des Arts et ses cadenas d’amour symboliques se montrent très présents dans le champs de deux films récents : Coco de Chanel et Love Story de Chloé…
En fait, les marques s’aventurent peu au delà des beaux quartiers. Love Story démarre son histoire dans le 18ème arrondissement avant de converger vers le centre. Flower by Kenzo revendique un Paris bucolique et plus contrasté dans l’esprit Butte-Montmartre, avec une vision fugitive du Sacré Cœur, mais le designer avait aussi fleuri le Pont Neuf il y a vingt ans. La Petite Robe Noire nous entraîne dans un Paris reconstitué, un terrain de jeu graphique tout en fantaisie. Les archétypes valsent, un peu dans l’esprit des réclames d’Arpège, mais l’action ne s’éloigne pas géographiquement de la Maison du 68. Le Mâle et Classique de Jean-Paul Gaultier créent le choc lorsqu’un paquebot force son passage à travers les rues vers le balcon d’une dulcinée perchée en haut d’un immeuble haussmannien. Dans la vision spectaculaire d’une cité imaginaire, empruntant des allures parisiennes. Si l’essence de Paris est soluble dans le parfum, il reste encore de multiples pistes à explorer…
Axelle de Larminat
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